Sapiens, une brève histoire de l’Humanité

Sapiens, une brève histoire de l’Humanité

Sapiens, une brève histoire de l’Humanité
Yuval Noah Harari
Albin Michel

Il m’a fallu un certain temps pour venir à bout de ce pavé dont je recommande la lecture à tous. Yuval Noah Harari est professeur d’Histoire à l’Université hébraïque de Jérusalem. N’allez pas croire pour autant que ce livre qui résume le parcours de l’humanité de ses origines à nos jours soit empreint d’une quelconque religiosité. Bien au contraire. C’est un regard perçant sur ce que nous étions et ce que nous sommes devenus. Mais il est surtout intéressant parce qu’il pose une foule de questions et cherche sans cesse à aller au fond des choses. La première d’entre elles est simple : sommes-nous plus heureux que les hommes des cavernes ? Aussi futile qu’elle puisse paraître, elle nous entraîne dans un abîme de réflexion qui finit par filer le vertige.
Certes Néandertal et Sapiens ne connaissaient pas l’iPhone, l’électricité, la voiture, les vacances, le travail. Leur vie tournait autour de la chasse et de la cueillette. Ils risquaient à tout moment de se faire bouffer par un prédateur. Mais ils vivaient en tribu. Ils entretenaient des liens forts avec leurs enfants, profitaient de longs moments de repos, disposaient d’un vaste territoire de chasse et connaissaient des sensations que nous avons oubliées (comme le retour de chasse lorsqu’ils avaient dégommé un mammouth). Mais surtout, Harari nous explique que le Sapiens d’origine était plus intelligent que nous : d’ailleurs son cerveau était plus grand et plus lourd que le nôtre. (Serions-nous en train de devenir des crétins notoires ?) Pour survivre, il devait connaître des milliers de plantes, savoir à quel moment il pouvait ou non les consommer, savoir quels animaux étaient dangereux, comestibles ou non, etc. Qu’avons-nous besoin de savoir nous-mêmes pour vivre ? Rien. Tout nous est facilité, mâché, préparé à l’avance. Lâchés dans la nature, la plupart d’entre nous seraient incapables de s’en sortir et crèveraient rapidement. (C’est peut-être ce qui me fascine quand je regarde Koh Lanta [parce que oui, j’aime bien regarder Koh Lanta]).
Harari présente la révolution agricole comme la plus grande escroquerie de l’histoire. Le début de tous nos ennuis. Certes, elle augmenta la somme totale de vivres à disposition de l’humanité, mais elle ne se traduisit pas par une meilleure alimentation ou davantage de loisirs, mais en une explosion démographique et l’apparition d’élites choyées. Qui en fut responsable ? Ni les rois, ni les prêtres, mais une poignée d’espèces végétales : ce sont les plantes qui ont domestiqué l’homo sapiens, plutôt que le contraire.
À partir de là, l’auteur déconstruit tout ce qui est arrivé à l’humanité avec ce recul qu’on aimerait avoir tous les jours, mais qui nous filerait sans doute l’envie de nous flinguer en permanence. Il nous explique que la société humaine s’est bâtie et vit sur des mythes. Le mythe étant ce que croit le plus grand nombre, sans forcément que ce soit une vérité. Les religions sont des mythes, mais pas seulement. Les systèmes politiques (capitalisme, communisme) sont également des mythes et Harari les classe carrément dans les religions. Autre mythe : l’argent. Il n’existe que dans la confiance qu’on lui apporte, mais tout le système monétaire est basé sur du vent. Si chacun voulait récupérer les sous qu’il est censé posséder à la banque, tout s’écroulerait. 
L’auteur nous décrit comment les Empires se sont construits (sa comparaison entre la chute de l’Empire espagnol et la montée en puissance des marchands hollandais est saisissante…)
Il décortique le dogme économique, scientifique, analyse le projet Gilgamesh (la quête de l’immortalité), étudie le mariage de la science et de l’Empire, les rouages de l’industrie, l’effondrement de la famille et de la communauté…
Le livre s’achève sur un retour à la question originelle : sommes-nous plus heureux que nos ancêtres des cavernes et d’ailleurs, qu’est-ce que le bonheur ?
Dans sa conclusion il s’interroge sur l’avenir de l’humanité et prédit qu’un nouveau saut viendra sans doute modifier l’humain. Une nouvelle espèce d’hommes ou de surhommes qui seront pour nous ce que nous sommes pour Sapiens. Si nous n’avons pas tous disparu d’ici là au train où nous filons joyeusement vers notre auto-destruction…

jllb