Lavinia et autres nouvelles féministes

Lavinia et autres nouvelles féministes

Lavinia et autres nouvelles féministes
George Sand
Éditions Charleston

J’ai été interpellé par le titre de ce recueil : « Lavinia et autres nouvelles féministes » de George Sand. Parce que si George Sand a toujours vécu sa vie de femme avec beaucoup d’indépendance et une grande force de caractère, son engagement féministe est largement controversé. Oui, elle souhaitait l’égalité homme-femme, mais pensait que le temps n’était pas encore venu et que la femme devait avant tout se consacrer à l’éducation de ses enfants et à la tenue de son foyer. Dans une lettre envoyée à un Comité de Femmes qui souhaitait présenter sa candidature à la députation, elle s’explique : « Les femmes doivent-elles participer un jour à la vie politique ? Oui, un jour, je le crois avec vous, mais ce jour est-il proche ? Non, je ne le crois pas, et pour que la condition des femmes soit ainsi transformée, il faut que la société soit transformée radicalement. » Ou encore : « Il faut que la femme conserve son sexe et ne supprime de ses habitudes et de ses occupations rien de ce qui peut le manifester. Il serait monstrueux qu’elle retranchât de sa vie et de ses devoirs, les soins de l’intérieur et de la famille. »

Bref, ce qui était bon pour elle ne lui paraissait pas bon pour les autres femmes. Donc dire de George Sand qu’elle était « féministe » est un tantinet mensonger de la part de l’éditrice qui signe la préface : Danaé Tourrand-Viciana.

Venons-en aux trois nouvelles.

LAVINIA

Apprenant que son amant dont elle était séparée depuis dix ans va se remarier, lady Lavinia propose à sir Lionel d’échanger les lettres d’amour qu’ils s’étaient envoyées afin de les détruire. Ce faisant, Sir Lionel vient la retrouver à Saint-Sauveur où la belle Anglaise est courtisée de toute part. Contre toute attente, Lionel retombe sous son charme et lui fait une cour effrénée, oubliant qu’il est engagé ailleurs auprès de Margaret Ellis. Lavinia n’est pas insensible au charme de celui qui fut son premier et grand amour. Mais il l’a fait tellement souffrir qu’elle connaît désormais son caractère désinvolte et le prix qu’il faudrait payer pour renouer avec lui. Va-t-elle céder à la tentation ?

MATTEA

Pour échapper à l’éducation pesante de sa famille et au sale caractère de sa mère, la très belle et très jeune Mattea, splendide Vénitienne, se dit prête à épouser un riche Turc, client de son père. Mais elle et sa famille vont être bernées par Timothée, serviteur du Turc et qui lui sert d’interprète. Timothée a deux objectifs : faire fortune sur le dos du Turc (et du père de Mattea) et épouser la jeune fille. Va-t-il y arriver ?

METTELA

Le jeune et riche Olivier, originaire de Genève, se rend à Florence dans l’espoir d’y faire la connaissance de Lady Mattea Mowbray dont on lui a vanté l’intelligence et la beauté et dont il est tombé virtuellement amoureux. En chemin, il dépanne un comte tombé en panne de diligence et lui propose de faire chemin avec lui. Or, ce comte n’est autre que l’amant de Mattea depuis plus de dix ans. Olivier lui expose le but de son voyage. Le comte ne se dévoile pas. Lassé de Mattea qu’il trouve vieillissante (et collante), il voit en Olivier l’opportunité de se débarrasser d’elle en douceur. Mais lorsque celle-ci paraît céder au charme du bel Olivier, (malgré leur différence d’âge), une irrépressible jalousie s’empare du Comte…

Trois histoires de femmes donc, mais pas trois histoires de féministes. Au contraire, les trois héroïnes sont les victimes des états d’âme ou des manœuvres de ces messieurs. On voit donc que ces nouvelles de George Sand peuvent être l’objet de lectures fort différentes. Et que l’éditrice a voulu, sans doute pour des raisons commerciales, tirer la couverture à elle, quitte à s’arranger avec les véritables états d’âme de George Sand.

J’ajoute que le livre est truffé de coquilles. Derrière leur discours pseudo intello, les éditions « Charleston » seraient donc plutôt « rock’n’roll »…

jllb