Toute nue

Toute nue

Toute nue
Sylvestre Boix

Ce roman paru en 1922 est né sous la plume de Sylvestre Boix, alias Caroline Acezat, seconde épouse de Victor Margueritte dont j’ai dressé le portrait récemment. Née en 1879 elle a mené une carrière d’actrice de théâtre dont on ne trouve nulle trace sur le net. Elle a signé un seul roman, « Toute nue » dont le préfacier, Georges de la Fouchardière, nous dit qu’il s’agissait à l’origine d’une pièce de théâtre, mais qu’il a encouragé l’autrice à en faire un roman.

« Toute nue » est un titre provocateur bien trouvé. Car il ne s’agit pas d’une femme, mais de la Vérité. Elle ne sort pas du puits, mais d’un élixir inventé par le docteur Mathias, célèbre psychiatre et psychanalyste. Dès lors qu’on en absorbe un verre, on avoue tout. Mathias veut en faire un remède universel contre le mensonge et le teste sur son « nègre » de service Kodioukou, Sénégalais qu’il a soigné pendant la guerre et dont il a fait son domestique. Il lui fait avouer qu’il est l’amant de sa jeune maîtresse Isabelle, et le révoque sur le champ. On notera dans le style du livre, le sombre héritage colonialiste teinté d’un racisme qui, à l’époque faisait rire et même vendre (cf. l’histoire du nègre Banania).

Bref, Mathias ne s’attire que des ennuis en traitant ses patients avec cette potion de vérité. D’autant qu’Isabelle en a distribué à ses propres amis et que la bonne, Marie, en a chipé quelques flacons pour les vendre à des connaissances. Bientôt des drames se font jour à Paris : untel a voulu tuer sa femme en lui faisant avouer qu’elle avait un amant, un autre tente de se suicider en apprenant que son épouse est une ancienne prostituée, etc. Mathias apprend à ses dépens que les gens ne veulent pas voir la vérité toute nue et qu’ils préfèrent vivre dans de confortables mensonges. C’est la moralité de ce roman qui se lit comme une pièce de boulevard, avec des dialogues plutôt bien enlevés où l’argot trouve sa juste place. Pour la bonne morale, le « nègre » Kodioukou finit par réussir dans la vie en devant un célèbre danseur et il embauche un domestique « blanc ».

Parlant du livre, Renée Dunan, critique littéraire dans le magazine « La pensée française » dit, le 9 décembre 1922, à propos de Sylvestre Boix : « L’auteur est une femme. Une amie de Monique Lerbier, plus connue sous le nom de “La Garçonne”. Le diable m’emporte si Monique ne doit pas à Sylvestre Boix quelques coups de pinceau ». En clair, Victor Margueritte se serait inspiré de son épouse pour créer le personnage de Monique Lerbier, héroïne sexuellement libérée de son roman « La Garçonne » qui défraya la chronique en 1922 et connut un phénoménal succès.

Caroline Acezat ne donna pas d’autre suite à sa carrière littéraire et elle s’éteignit en 1938 à Sainte-Maxime où le couple avait acquis une somptueuse villa, grâce aux droits d’auteur… de La Garçonne !

jllb