Un été avec Rimbaud

Un été avec Rimbaud

Arthur Rimbaud, le voleur de feu
Sarah Cohen-Scali
Livre de Poche

Rimbaud, poésies complètes 1870-1872
Livre de poche

Je n’avais aucune sympathie pour Rimbaud, particulièrement après avoir lu le livre de Mathilde Mauté*, l’épouse de Paul Verlaine, qui raconte comment le jeune poète de Charleville a ruiné son couple. Je connaissais plus ou moins ses activités de trafiquant d’armes et son parcours de vie erratique, ponctué de beuveries à Paris et de bagarres.

Et puis cet été, France-Inter a eu la bonne idée de confier à Sylvain Tesson une chronique quotidienne de quelques minutes pour nous faire découvrir l’univers rimbaldien**. Sylvain Tesson est un garçon particulièrement doué et il a réussi à faire de cet exercice un petit moment d’intelligence et de subtilité (parfois un peu trop intellectuel) qui m’a donné envie d’en savoir plus sur Rimbaud. J’ai acheté cette bio dont le titre me plaisait : « Arthur Rimbaud, le voleur de feu ». Sous forme romancée, Sarah Cohen-Scali décrit la jeunesse du poète à Charleville dans les Ardennes. La mésentente de ses parents et l’abandon de son père militaire ont très certainement marqué Arthur, sans pour autant avoir de conséquences sur sa réussite scolaire : il est surdoué ! Il rafle tous les prix dans toutes les disciplines. Il est le meilleur dans les langues anciennes et commence à écrire un premier poème… en latin ! Boulimique de lecture, il se réfugie dans les livres, mais ne supporte pas l’autorité de sa mère et le cadre de l’école. Il rêve de devenir un voyou et va y arriver. (« Voyou » est la contraction des mots « voie » et « filou » et signifie, à l’origine, « celui qui dort dans la rue »).

À quinze ans, il fait une première fugue à Paris. Il ne verra rien de la ville, car il est arrêté sans le sou à sa descente du train et renvoyé manu militari à Charleville. Soutenu par son professeur de rhétorique, il se passionne pour la poésie, parvient à publier quelques vers et cherche à prendre contact avec le milieu littéraire parisien, en particulier ceux qu’on nomme « les parnassiens ». Verlaine accepte de le recevoir chez lui… on connaît la suite de l’histoire. Relation toxique entre les deux hommes, débauche parisienne, fuite en Belgique puis en Angleterre, Verlaine tire un coup de revolver contre Rimbaud, la séparation et une vie erratique qui reprend son cours. Il s’engage dans l’armée hollandaise, déserte, voyage en Afrique, devient chef de chantier, puis trafiquant d’armes, puis commerçant. Une affection de la jambe lui vaut une amputation qui tourne mal et, de retour à Marseille, il meurt d’un cancer généralisé en 1891 à 37 ans.

L’étonnant de l’affaire est qu’il a écrit l’essentiel de son œuvre poétique entre 1870 et 1872, soit pendant la période de la guerre franco-prussienne puis de la Commune. Deux événements qui inspireront une partie de ses écrits (« Le dormeur du Val », « Le cœur supplicié », « Chant de guerre parisien », etc.). Puis, plus rien après 1872. Sa deuxième vie est celle d’un aventurier. Il gardera tout de même des relations épistolaires avec sa famille (principalement sa mère et ses deux sœurs dont l’une meurt avant lui).

Dans la foulée, j’ai lu ses poésies complètes. On y trouve la marque du surdoué avec un vocabulaire ultra-riche (parfois inventé) et des références mythologiques à faire passer Victor Hugo pour le dernier de la classe. Mais ce sont surtout ses images, ses associations verbales incongrues qui font le génie de Rimbaud et montrent la puissance évocatrice de son esprit. Une sorte d’explosion imaginative.

Oui, mais voilà, ça m’a positivement barbé. Je ne suis pas entré dans son monde. Un peu comme pour Céline dont je reconnais le génie, mais que je n’arrive pas à aimer. Je conviens volontiers que Rimbaud était un être à part, un poète unique en son genre et je suis content d’avoir entrevu sa lumière. J’en resterai là avec lui. Peut-être y reviendrai-je plus tard, quand je serai bien vieux, au coin d’une cheminée ?

Au passage, vous noterez que Sylvain tesson, par son talent (qui est grand aussi) a failli me faire tomber dans la marmite rimbaldienne. Mais je suis resté sur le bord.

PS : Jacques Chirac devait être rimbaldien, car dans le poème « Le cœur supplicié », j’ai trouvé les vers suivants :

Ithyphalliques et pioupiesques
Leurs insultes l’ont dépravé ;
À la vesprée, ils font des fresques
Ithyphalliques et pioupiesques ;
Ô flots abracadabrantesques,
Prenez mon cœur, qu’il soit sauvé !
Ithyphalliques et pioupiesques
Leurs insultes l’ont dépravé !

* Ex-Madame Paul Verlaine — Mémoires de ma vie : https://jeanlouislebreton.com/?p=859

** France-Inter, un été avec Rimbaud : https://www.franceinter.fr/emissions/un-ete-avec-rimbaud

jllb