Mes vies secrètes

Mes vies secrètes

Mes vies secrètes

Dominique Bona

Je travaille sur un projet personnel important en ce moment qui brûle une bonne partie de mon temps et qui me laisse moins d’espace pour la lecture et les comptes-rendus. Mais je ne me couche jamais sans un livre à la main. Je vais donc vous la faire (relativement) courte pour ce livre de Dominique Bona : « Mes vies secrètes » dont je viens de tourner la dernière page ce matin.

Dominique Bona est née en 1953. Elle est la fille d’Arthur Conte, ce qui lui a ouvert des portes dans le microcosme parisien de la culture. Après de brillantes études de lettres, elle a travaillé comme journaliste et critique littéraire avant d’entamer une carrière de romancière (5 romans à son actif) et surtout de biographe. « Mes vies secrètes » est un récit personnel dans lequel elle raconte ses passions pour la littérature et l’art en général et la façon dont elle a mené ses enquêtes pour rédiger ses biographies. Et en plus du fait que ce livre est très bien écrit, il est passionnant. Parce que tous ceux dont elle a mis la vie en scène sont de fascinants héros de roman : Romain Gary, les sœurs Hérédia, Gala (épouse d’Eluard puis de Dali), Stefán Zweig, Berthe Morisot, André Maurois, Camille et Paul Claudel, Clara Malraux, Yvonne et Christine Rouart et Paul Valéry. Excusez du peu.

On pourrait donc prendre cet ouvrage comme une sorte de catalogue publicitaire mettant en valeur ses propres livres (j’ai un peu ressenti ça). Mais, en réalité il est bien plus. Oui, vraiment plus et elle a eu raison de le publier. Il émane de ce texte la jouissance, que je connais bien, à s’immiscer (sans mauvaise intention) dans la vie privée des auteurs ou artistes qu’on aime. Du voyeurisme dénué de toute perversité. J’avais déjà lu « Colette et les siennes », superbe enquête sur la brillantissime et sulfureuse écrivaine. Mais pris par le sujet et par ce qu’elle racontait, je n’avais pas fait attention à elle : Dominique Bona. Donc, pour une fois, c’est elle-même qui se met en scène comme pour dire « coucou, moi aussi j’existe… ». Elle le fait avec humilité parce qu’elle a été bien élevée. Mais on sent bien que son look « petite bourgeoise du 16e arrondissement » discrète et (apparemment) sage, cache en fait une femme passionnée, pas du tout guindée, capable de se mettre nue sur un bateau au large de Majorque pour suivre les traces de Gary si la situation l’impose et pour atteindre son but. Certes elle aime Debussy, mais aussi les Stones ou les Beatles (à un an près, nous sommes du même âge et quelqu’un qui aime les Stones ou les Beatles emporte immédiatement ma sympathie). Bref elle lève le masque et nous dévoile la belle personne qu’elle est. Il se trouve que nous nourrissons les mêmes passions pour de nombreux auteurs : Marie de Régnier, Pierre Louÿs, Zweig et d’autres moins connus, mais aussi de nombreux personnages annexes qu’elle évoque dans ce texte. Elle pose enfin la question de la différence entre un roman et une biographie et finit par conclure que, pour elle, elle est minime, voire inexistante. Elle met autant de cœur à les rédiger.

Pour conclure, j’ajoute qu’elle a un palmarès éblouissant : agrégée de lettres modernes en 1975, lauréate du prix Interallié en 1992 et du prix Renaudot en 1998, elle est membre de l’Académie française depuis 2013 (fauteuil 33). Bravo.

À cause d’elle (ou grâce à…), je vais me lancer dans la lecture de Romain Gary (un manque à ma culture) et d’André Maurois (idem).

Photo Esby 3 juin 2010 – Travail personnel
jllb