Charlot s’amuse

Charlot s’amuse

Charlot s’amuse
Paul Bonnetain

1883

Certains livres laissent une traînée de malaise et une odeur aigre derrière eux. C’est le cas de ce roman de Paul Bonnetain. Je me suis intéressé à cet auteur parce qu’il était cité dans « Enfin seules », le livre écrit à quatre mains par Jeanne Landre et Berthe Mariani. Je ne le connaissais pas et ma curiosité m’a poussé à le découvrir. Le chemin s’arrêtera à la fin de ce roman qui baigne du début à la fin dans l’ignominie la plus crasse.

Ne vous fiez pas au titre : « Charlot s’amuse » n’a rien à voir avec Charlie Chaplin. Un imbécile de ré-éditeur a pourtant mis la photo d’une statue du comédien en couverture. Quel con.

Je vous balance le résumé complet de cette horreur.

Charlot est le surnom de Charles Duclos dont la vie démarre dans les plus mauvaises conditions. Son père, égoutier, est noyé dans la fange par une brusque montée des eaux vaseuses. On retrouvera plus tard son corps à moitié bouffé par les rats. Sa mère alcoolique devenue veuve se prostitue sous les yeux de son fils qui commence à se masturber en cachette. Ne pouvant assumer seule son éducation, elle le place au séminaire où il est violé par un jeune ecclésiastique. Mais ce viol, dixit l’auteur, lui donne du plaisir. S’ensuit une relation de pédérastie entre l’enfant et le prêtre. Prêtre qu’on retrouve aux mains des médecins pour s’être enfoncé divers objets dans le rectum, dont un porte-plume qui lui a percé la prostate. Puis d’autres calotins passent sur le corps de Charlot et lui-même continue de se masturber jusqu’à l’excès. Le scandale étant éventé, on l’envoie dans un autre monastère à Saint-Dié où il tombe follement amoureux d’un camarade plus âgé avec qui il vit une relation sexuelle passionnée. Mais celui-ci part et s’engage dans l’armée. Resté seul Charlot s’adonne à nouveau à la masturbation effrénée et à d’autres dérives solitaires. Arrivé à dix-huit ans, il s’engage dans l’armée pour essayer d’en finir avec son vice dans lequel il retombe sans cesse. Surpris en pleine action, ses supérieurs pensent qu’il est encore vierge et décident de le déniaiser. On l’envoie de force au bordel local où, malgré sa détestation du corps de la femme il connaît sa première liaison féminine et constate qu’elle est agréable. Il va alors plonger dans un nouvel excès et s’envoyer en l’air avec toutes les prostituées qu’il rencontre. On finit par l’éjecter de l’armée. Rentré à Paris, il se met à la colle avec une noceuse qu’il engrosse. Un enfant naît de cette union, mais la femme l’abandonne. Dépité de la vie il se jette dans le canal de l’Ourcq avec le bébé. Lui s’enfonce, mais le gamin surnage grâce à ses langes. Exit, fin, beurk.

Ce qui m’a vraiment gêné dans ce texte, c’est la confusion des genres. La masturbation et l’homosexualité sont ramenées par l’auteur au même niveau que la pédérastie et le viol. Il met tout dans un même sac et classe l’ensemble comme des névroses, des dérèglements, des tares, du vice ou des turpitudes qu’il se repaît à nous décrire avec force détails (j’ai fini la lecture en diagonale, je voulais tout de même savoir s’il allait rectifier le tir à la fin, mais non). Bref, cet ouvrage m’a laissé un petit goût de dégueulasse dans la gorge. À éviter.

Paul Bonnetain (1858-1899) semble avoir eu une carrière d’écrivain assez sulfureuse. Il est mort à quarante ans au Laos dans des conditions mystérieuses.

jllb