Plaisirs d’amour

Plaisirs d’amour

Plaisirs d’amour
Jeanne Landre

1918 — Renaissance du livre

À dix-huit ans, Roger Verdier, fils de commerçants aisés de province, s’éprend d’une femme d’une quarantaine d’années divorcée, la belle Pauline. Ce qui n’est pas du goût de ses parents avec qui il ne tarde pas à couper les ponts. Pour être indépendant, il s’engage dans l’armée et part pour l’Algérie où Pauline le rejoint. Après quelques mois de bonheur, il est expédié six mois en mission dans le désert. De son côté, Pauline tombe malade et meurt. Dépité, il revient en France, quitte l’armée et se met à vivre de petits boulots. Il fait la connaissance d’une écuyère, Olympe Dunois, dont il tombe éperdument amoureux. Elle a déjà une fille, Yvonne. Roger, dans la dèche complète, s’installe chez Olympe qui s’avère être une femme extrêmement jalouse. Toutefois, pour la remercier de l’avoir aidé, il décide de l’épouser. Il finit par trouver un boulot assez stable chez un homme d’affaires véreux et rencontre une jeune secrétaire, Germaine Charmet : c’est le coup de foudre.

Hélas, les deux jeunes gens ne peuvent vivre leur passion qu’en se cachant. La situation se complique, car Yvonne meurt d’une fièvre diphtérique au moment où Olympe tombe enceinte. Le bébé naît. Germaine accepte sa condition de maîtresse d’un homme marié. Mais Olympe découvre leur liaison. Elle va se venger en étranglant Germaine. Roger sait qu’elle est coupable, mais s’il la dénonce, c’est la prison à vie pour elle et la honte pour lui et son enfant. Il décide de se taire…

Le héros en prend pour son grade dans ce roman. Voulant être fidèle à sa parole, il s’enferre dans des situations inextricables qui l’amènent à tomber chaque fois de plus en plus bas. Cédant aux plaisirs de l’amour (ou de ce qu’il croit être l’amour), il s’enfonce dans le malheur et la médiocrité.

Jeanne Landre développe quelques thèses féministes dans ce roman.

Il y a toujours des passages intéressants dans les romans soi-disant « légers » de Jeanne Landre. Extrait de celui-ci : « Oui vraiment les femmes étaient les parias de cette société bâtie par les hommes sur les plans mêmes de leurs besoins, de leurs passions et de leur impureté notoire. À eux seuls le droit d’adultère et si une femme par esprit d’imitation, se l’arroge à son tour il n’est, parmi son repentir et ses larmes, rien qui pourra fléchir le seigneur outragé. Ces coutumes seraient comiques, n’est-ce pas, si les victimes étaient prises dans les deux camps et si, de temps en temps, les hommes subissaient la loi de leurs vainqueurs. Mais non, à eux la jouissance de châtier, de maudire et de jeter à l’égout les tristes créatures dont ils ne veulent plus dans leur lit. Ah ! les gredins, les vampires ! Sans compter les mille et une petites forfaitures que le monde leur concède et sur lesquelles il fermera les yeux : les virginités qu’ils flétrissent après qu’elles se sont frôlées aux copains des faubourgs, les femmes des amis dont ils ne profitent que par faveur spéciale et qui, sans leur irrésistible séduction, n’auraient jamais failli, les vieilles filles rances qui leur offrent, sertie dans une chair coriace, leur fleur récalcitrante, les déclassées dont les lèvres ont vidé toutes les coupes et qui croient goûter dans la leur l’ambroisie des dieux, les noceuses flapies qui, telles des méduses, plaquent sur eux, avec leur peau bariolée, leur remerciement de les avoir extraites de la glu des trottoirs et des bouges, enfin les femmes honnêtes, brebis égarées dans la foule des faunes et qui, sans leurs promesses de mariage, n’auraient jamais été assez dévergondées pour laisser culbuter leurs dernières pudeurs. »

Plus loin : « Les hommes nous ont réduites à l’état de bouses et, plus nous les aimons, plus ils nous marchent dessus. »  Et sur l’Amour : « Ah ! l’amour, quelle sotte chimère ! Où le voit-on ? où se cache-t-il ? Quelques jours de béatitudes et des années de heurts, d’énervements, de colères, voilà le bilan de ses propriétés physiologiques. Curieuse constatation, vraiment, et comment expliquer que ceux qui en ont tant souffert n’en soient pas pour toujours dégoûtés ? »

jllb