Clarissa

Clarissa

Clarissa
Stefan Zweig

Quel talent ce Stefan Zweig. Il sait vous prendre par les mots et vous entraîner dans une histoire qui touche votre cœur, votre raison et vous empêche de fermer le livre avant la dernière page.

Clarissa est la fille d’un officier autrichien veuf. Elle est placée dans une institution religieuse où elle étudie sagement jusqu’à ses dix-sept ans. Son père, féru de statistiques, de mathématiques et de données alerte le fils de l’Empereur sur l’impréparation de l’armée et son incapacité à réagir en cas de conflit. Ce qui lui vaut les foudres de l’état-major : il est limogé. Clarissa et son frère Édouard étant désormais adultes, leur père, au moment de se retirer, les dote confortablement et leur laisse le libre choix de décider de leur vie, avec pour seul conseil d’être fidèles à leurs idéaux et aux valeurs qu’il leur a transmises.

Édouard s’engage dans l’armée. Étudiante intelligente et travailleuse Clarissa devient la secrétaire d’un docteur en psychologie qui prône des thèses anti-freudiennes et prétend que le bonheur arrive plutôt par la découverte des autres que par l’introspection. Antimilitariste et internationaliste, ses positions lui valent d’être critiqué au moment où, à la veille de la Grande Guerre, les nationalismes s’exacerbent. Devant se déplacer en Angleterre, il confie à Clarissa le soin de le représenter lors d’une conférence sur la paix qui se déroule en Suisse. Elle y fait la connaissance de Léonard, un intellectuel français passionnant et passionné dont elle tombe amoureuse et réciproquement. Mais à la fin de ce colloque, au mois de juillet 1914, le conflit éclate en Europe. Léonard repart en France et Clarissa doit retrouver son père en Autriche. Pourtant elle ne revient pas seule. Elle l’ignore encore, mais une graine commence à germer en elle… Comment tout cela va-t-il se terminer ?

Zweig n’a pas son pareil pour dépeindre ses personnages et placer le lecteur en totale empathie avec eux. Cette histoire prenante aux subtils rebondissements joue sur nos émotions et traite d’universalisme avec intelligence en mettant sous nos yeux les conséquences de la guerre et comment elle entraîne des individus que tout rapprochait dans une spirale infernale. Elle m’a laissé en état d’apesanteur. De la grande littérature.

PS : Avec tout son talent et sa délicatesse, Zweig doit tout de même, à un certain moment, nous faire comprendre que les deux personnages principaux de son récit couchent ensemble. Bien sûr, il ne va pas utiliser de formule vulgaire ou à l’emporte-pièce. Voyez comme il s’en sort : « Elle ressentait un ardent désir pour lui. Dans le même temps, elle éprouvait de la reconnaissance à son égard parce qu’il la libérait de l’oppression, de la crainte et des inhibitions qu’elle percevait au fond d’elle-même, car en sa compagnie, cette solitude avec elle-même et cette réserve allaient cesser. Au soir du quatrième jour, ils se trouvèrent, sans s’être laissés aller à la moindre mièvrerie ou à des effusions exagérées. »…

« Ils se trouvèrent… » C’est magnifique !

jllb

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