Claudine à l’école
Colette
Au cas où vous ne l’auriez pas noté, je suis dans une période Colettophile, due au fait que j’ai acquis à vil prix ses œuvres complètes. Bien sûr, j’ai déjà lu pas mal de livres de la géniale écrivaine, mais, jusqu’à présent, j’avais toujours contourné la série des « Claudine ». Si elle a bien été écrite par Colette, elle a été initiée par son mari Willy qui l’a poussée (forcée ?) à écrire ses souvenirs de jeunesse. Il a donc aidé la jeune femme à mettre le pied à l’étrier de la littérature. Peut-être ne l’aurait-elle jamais fait sans cela ? Il l’enfermait dans son bureau avec mission de produire un certain nombre de pages par jour et elle s’est pliée à sa volonté.
Mais Colette ne partait pas de zéro. Elle possédait déjà une très grande culture littéraire pour avoir passé sa jeunesse dans la bibliothèque de ses parents, qu’elle a écumée de long en large et de bas en haut, et elle était de très loin la mieux notée en composition française. Son talent est d’abord la conséquence de son incroyable sens de l’observation et d’une mémoire extraordinaire. À la fin de sa vie, elle était encore capable en regardant une photo d’école primaire de dire le nom de ses petites camarades.
Pourquoi avais-je boudé les « Claudine » ? Parce que, comme pour beaucoup, il me semblait qu’il s’agissait là de lecture pour jeunes filles prépubères et que, par conséquent, j’avais autre chose à faire que de badigeonner mes yeux à l’eau de rose. Eh bien je vais pouvoir me soigner les quinquets, car je me suis mis le doigt dedans !
Claudine est une ado de quinze ans intellectuellement plus que dégourdie qui domine tout son entourage : camarades qu’elle manipule à sa guise, adultes qu’elle subjugue et auxquels elle sait imposer son caractère. Elle adore son école de Champigny où elle règne en maîtresse et s’immisce dans la relation homosexuelle que la directrice, Mlle Sergent entretient assez ouvertement avec la sous-maîtresse, Mlle Lanthenay. Du sexe dans les Claudine ? Mais oui ! Et abordé avec une justesse de vue sans égale et sans aucune moralité. Je répète : « aucune moralité ». N’allez pas croire cependant qu’il y a ici de la dépravation. Non, Claudine (qui est en fait un alias de Colette) est cash et libre dans sa vie, comme dans ses propos. Ce qui était révolutionnaire et a fait scandale à l’époque l’est moins aujourd’hui. Mais dans ce premier livre, on sent déjà ce qui va faire le succès de Colette : son amour de la nature, son art de dire la vérité, son style d’écriture (de la dentelle de Valenciennes) et son incroyable vocabulaire. Bref, il n’est jamais trop tard pour se régaler !
PS : Si je fais un peu moins de comptes-rendus littéraires en ce moment, c’est que je suis dans d’autres lectures en vue de la préparation d’un livre…