Claudine s’en va

Claudine s’en va

Claudine s’en va
Colette

« Qui aime bien châtie bien » dit le proverbe à la noix. Pour l’heure, il fera tout de même mon affaire. Car ce quatrième volume des aventures de Claudine est raté. Voilà : il est raté. Je ne peux pas dire qu’il est « le moins bon » de la série puisque les trois premiers sont excellents.

Mais fichtre donc, que s’est-il passé ? Grosse déception et non des moindres : les trois premiers volumes étaient écrits à la première personne, et c’était Claudine elle-même qui racontait sa vie avec sa verve inimitable, sa gaieté enjouée et sa façon unique de ne pas l’envoyer dire (sur quelque sujet que ce soit). Mais là, ô vilaine surprise, la narratrice n’est pas Claudine. Elle s’appelle Annie et nous raconte son histoire qui nous paraît bien pâle au regard des aventures de l’héroïne héroïque et Cyranesque qui nous avait tant séduits.

Annie est une petite dinde mariée depuis quatre ans à un crétin d’époux macho qui la traite comme une sous… (allons j’allais dire un gros mot, mais vous m’avez suivi). Voilà que celui-ci part pour plusieurs mois en voyage d’affaires, prenant bien soin de ne pas emmener la poulette dans ses valises. On comprend qu’il veut avoir les mains libres, afin de pouvoir les balader à sa guise sur des plastiques atypiques, étrangères et affriolantes.

Ces quelques mois seront utiles à Annie pour enfin ouvrir les yeux et réaliser sa condition d’imbécile malheureuse. Par chance, sa belle-sœur Marthe la sort dans le milieu parisien, l’emmène en cure thermale, la trimballe à Beyreuth et partout où elle va, le couple Claudine-Renaud se trouve sur son chemin. Elle devient amie avec Claudine qui n’est jamais insensible à des beaux yeux de jeune fille. Il ne faut pas trois minutes à celle-ci pour éplucher le caractère de la jolie bécasse et lui conseiller la meilleure solution : « quand on n’aime pas, on quitte ». Droit au but. Ce que la jeune simplette soudainement illuminée par la révélation finira par faire. Le vilain petit canard s’est transformé en beau cygne et met les voiles vers un avenir incertain, mais humant bon le parfum de la liberté.

Nous voilà donc clairement frustrés de Claudine qui apparaît çà et là, telle qu’on l’aime, mais décidément pas assez souvent à notre goût.

En résumé, on peut passer son chemin quant à cet épisode, manifestement écrit pour faire bouillir la marmite de Willy. Il était temps que Colette à son tour prenne la poudre d’escampette.

Ce quatrième « Claudine » a été écrit en 1903. Cinq ans plus tard, Colette quittait Willy (ils divorceront officiellement en 1910). Et puis, en 1922, après avoir mis un bon nombre de romans entre elle et les Claudine, elle écrit un cinquième volume : « La maison de Claudine »… qu’il me reste à lire, en me demandant bien de quoi il peut parler.

À bientôt donc, pour la suite…

jllb