Crépuscule
Juan Branco
Au Diable Vauvert
19 €
Avant d’être publié aux éditions du Diable Vauvert, le manuscrit de Juan Branco, dans sa version initiale, a été (et est encore) disponible librement en téléchargement. C’est cette première version que j’ai lue. Elle me laisse à penser que j’ai bien fait de ne pas dépenser 19 € en achetant le même livre paru au Diable Vauvert. Pourquoi ? Je vais d’abord parler de la forme. Juan Branco est un piètre écrivain, ce qui est dommage quand on choisit la littérature pour exprimer ses idées. Vous me direz que le fond l’emporte sur la forme en matière de brûlot politique. Je répondrai que la forme nuit au fond : au-delà des multiples coquilles (qui ont dû être corrigées dans la version finale) le style est ampoulé et le ton tellement complotiste qu’on finit par penser que l’auteur s’est lui-même enfermé dans une sorte de paranoïa qui dessert son discours.
Sur le fond donc : Branco nous présente l’élection d’Emmanuel Macron comme une vaste opération secrète de conquête du pouvoir fomentée par les élites et orchestrée principalement par trois hommes et une femme : Xavier Niel, Bernard Arnaud, Arnaud Lagardère et Michèle Marchand. Sur ce montage politique, on a tendance à le croire. Nul doute que ces grands propriétaires de média et influenceurs publics ont tout mis en œuvre pour la réussite de leur poulain surgi de (presque) nulle part. Cette élection soi-disant démocratique aurait donc été volée au peuple. Je ne suis pas contre cette thèse. Branco rappelle le passé mafieux de Xavier Niel, condamné pour proxénétisme au début des années 2000 et celui tout aussi crapoteux de Michèle Marchand, sinistre arriviste condamnée, elle, pour trafic de stupéfiants. Il rappelle que Xavier Niel a épousé la fille de Bernard Arnaud. Il montre comment les réseaux des élites se sont mobilisés, de façon pas toujours légale, pour générer le cash et l’entregent nécessaires à l’élection dudit Macron. Ceci expliquant les mannes et prébendes largement distribuées par le Président à cette petite caste et à ses affidés.
Dans la seconde partie de son brûlot, il s’en prend à Gabriel Attal, actuellement secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse. Attal, tout comme Branco, est issu de l’École Alsacienne présentée ici comme un concentré de fils/filles à papa et accoucheuse de plates personnalités qui n’ont pour mérite que de faire partie d’un réseau de pouvoir. (Pour la petite anecdote, il se trouve que je suis moi-même passé par l’École Alsacienne en 1969, dont j’ai été éjecté au bout d’un an pour indiscipline, manque de travail et manifestement non-conformité aux critères du lieu, mais je garde un très bon souvenir de cette époque). Attal, donc, serait le pire des arrivistes prétentieux, méprisant et sans aucune expérience professionnelle. Il se serait hissé jusqu’au sommet du pouvoir en retournant sa veste au bon moment : Sarkozyste et ultra-droitier aux temps de ses études, il aurait adopté les thèses socialistes pour grimper dans l’appareil politique avant de virer macroniste fort opportunément. C’est sans doute vrai, mais Attal n’est pas le premier et ce comportement est monnaie courante dans les sphères du pouvoir. Branco pratique ensuite le « outing » en révélant l’homosexualité d’Attal et sa liaison avec Stéphane Séjourné, autre proche de Macron. Sur ce point précis, le récit n’est pas très glorieux et fortement critiquable. La vie privée d’Attal ne regarde que lui.
Au final, on retiendra une verte et intéressante critique du monde des élites, un ton ultra-complotiste qui pervertit le propos et un style d’écriture qui aurait fait la honte de ma prof de français en classe de 6e.
Il apparaît cependant que le livre est en tête des ventes. Tant mieux pour lui.
Qui est Juan Branco ? J’ai épluché sa fiche Wikipédia (avec les réserves que ça impose). Fils d’un producteur de cinéma et d’une psychanalyste espagnole, né en 1989, il grandit dans un milieu intellectuel favorisé. Scolarité à l’École Alsacienne, puis Science Po et la Sorbonne en parallèle. Il obtient une maîtrise en littérature moderne (hahaha) un master en philosophie politique et un autre en géopolitique. Il a été conseiller juridique de Wikileaks et de Julian Assange puis avocat de Jean-Luc Mélenchon, il s’est présenté aux dernières élections législatives sous l’étiquette de La France Insoumise. (Voilà pour l’essentiel, mais il a fait des tas d’autres choses, je vous invite à lire sa fiche…)