En goguette littéraire à Mont-de-Marsan

En goguette littéraire à Mont-de-Marsan

Avatars et coquecigrues, je me suis fourvoyé ! Une foire aux livres était annoncée à Mont-de-Marsan. Je pensais qu’il s’agissait d’un marché aux vieux papiers : bévue de ma part, c’était un salon de promotion de la littérature et des auteurs locaux. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, j’ai arpenté l’allée où quelques stands (très peu nombreux à vrai dire) grésillaient sous le cagnard de fin août.

Ceux qui me suivent le savent, je baigne plutôt dans la littérature de la fin du 19e et du début du 20e siècle en ce moment. D’abord parce que j’ai écrit la biographie de mon arrière-grand-mère, Maria Vérone, et que je voulais m’imprégner de son époque. Ensuite parce que j’adore fouiner dans le passé et redécouvrir de merveilleux écrivains et écrivaines que l’Histoire a occultés, mais qui surclassent souvent les productions actuelles.

Je me suis arrêté au stand de la librairie Caractères qui avait invité cinq autrices à dédicacer : Marie-France Clerc, Caroline Hourcade, Nadine Lamaison, Cynthia Raymond et Élise Boyer. Je n’en connaissais aucune, mais faisant preuve de la plus parfaite incorrection, je ne me suis intéressé qu’aux deux dernières qui étaient manifestement les plus jeunes. Avec cette arrière-pensée : voilà donc la nouvelle génération, voyons voir ce qu’elles écrivent avant de tomber définitivement dans le gâtisme, la sénilité, le ramollissement et la déliquescence. A posteriori, je présente mes excuses aux autres qui ont dû penser, à juste titre, « salaud de lecteur qui ne s’intéresse qu’aux gamines parce qu’elles sont jeunes et jolies ». Parce qu’en plus, elles étaient jeunes et jolies ces deux-là. Et elles abordent la littérature par des voies différentes. Cynthia Raymond a choisi le roman alors qu’Élise Boyer s’est tournée vers la poésie et le slam. Voyons ça de plus près.

Qui m’aime me suive
Cynthia Raymond
City éditions

Agathe Dormant a vingt-sept ans, adore les cornichons, Romain Duris et les balades sur la plage avec le labrador qu’elle ne possède pas encore, mais dont elle rêve. Célibataire elle enchaîne sans succès les rendez-vous avec des garçons rencontrés sur les sites spécialisés. Elle retrouve régulièrement ses deux grandes copines, Julia et Louise. Les trois filles papotent, rigolent, refont le monde, tirent des plans sur leur avenir amoureux. Dans cette petite bande, Agathe fait office de boute-en-train avec son humour de fin d’adolescence. Elle y a gagné le surnom de « lady Gagathe ». Cependant, derrière cette façade de comique, on la sent un chouïa tarabustée par l’horloge qui tourne et le prince charmant qui ne se pointe toujours pas. Mais parfois, la vie se transforme en conte de fée et voilà qu’un message lui parvient sur Facebook : celui de Gaspard Levallois, un copain d’enfance et son premier amoureux de cour d’école. Il a grandi, il est blond, il est beau, il sent bon le sable chaud… De coups de cœur en quiproquos, de timidité en provocation, de colères en réconciliation une idylle va se nouer.

Côté écriture, pas de problème, ça coule. Je n’ai jamais rien lu d’Anna Gavalda, mais il me semble que ce livre s’inscrit dans cette veine de romans qui laissent une place excessive aux dialogues, font fi de la stylistique et de l’analyse psychologique. On reste en surface, mais le but annoncé est celui de la comédie romantique et non pas du drame kafkaïen. Alors ça se déguste comme un bonbon sucré, c’est léger, ponctué de quelques expressions de djeunes (wesh wesh). Au final, ça resterait un tantinet guimauve, si Cynthia Raymond n’y avait pas placé quelques traits d’humour sarcastiques qui pimentent l’ensemble. Ce premier roman, manifestement autobiographique est un coup d’essai. On espère une suite où l’introspection et les sarcasmes prendront le pas sur l’eau de rose. Notez bien qu’il s’agit de mon avis de vieux lecteur cacochyme et que ce texte très « girly » devrait plaire à tout une génération de trentenaires.

Recueil de slam et de poésie
le buvard de mes mots trop bavards

Élise Boyer
Éditions du Panthéon

La poésie est sans doute ce qui se vend le plus mal en France (et dans le monde). Peut-être est-ce dû au fait que ce genre littéraire est pratiqué par une foultitude de gens. Aligner quelques mots ou quelques vers pour faire part de ses états d’âme est, somme toute, relativement aisé. Construire un roman demande déjà plus d’effort.

La poésie épouse différentes formes : structurée comme celle des parnassiens, libre, en prose, en calligrammes, engagée, ou déconstruite comme ont pu la pratiquer Prévert, Bonnefoy ou d’autres.

Elise Boyer ne se situe pas dans un de ces mouvements. Elle est fan de Grand Corps Malade et s’intéresse au slam, une forme de poésie rythmée qui gagne à être scandée librement. Ces deux petits recueils sont ses premiers textes, un peu maladroits à vrai dire, mais touchants souvent. Dans le premier, en plus d’exprimer ses émotions, elle traite de sujets d’actualité et s’interroge sur sa place dans notre société. Elle fait l’apologie du stylo contre l’ordinateur, évoque le métro comme terrain d’observation de la condition humaine et invente une école de l’humanité dont elle visiterait les classes : la politesse, l’exigence, l’humour, la politique, la religion, la spontanéité, le partage… l’avenir.

Dans le second elle joue plus avec les mots (les maux, l’émo..tion), parle d’amitié, de famille, de ses parents et de son hypersensibilité avant d’aborder des thématiques plus sociales : la misère, le chômage, les femmes battues, le sexisme, le racisme, les valeurs de la République qui se diluent dans le marasme des réseaux sociaux où tout peut se dire et s’écrire. Elle aborde aussi le confinement, les dérives sectaires qui en découlent et… elle choisit de faire confiance à la science. Entre poésie et rationalité, ces petits textes brossent le portrait d’une jeune fille sensible à la belle âme, qui sait ce qu’amitié veut dire (merci Mary-Ann…).

Et deux autres livres

Et puisque j’étais sur place, j’ai également acheté deux livres qui parlent d’Histoire : « Marensin et la révolte des métayers » de Paul Blanqué, et « Femmes célèbres de l’origine à nos jours dans la Nouvelle-Aquitaine » de Serge Pacaud. Je vous en parlerai quand je les aurai lus, ils vont rejoindre la pile d’attente et je replonge dans mes romans de la Belle Époque…

jllb