Esclave amoureuse

Esclave amoureuse

Esclave amoureuse
Gérard d’Houville

Sous le pseudonyme de Gérard d’Houville se cache Marie de Régnier, épouse d’Henri de Régnier et fille du poète José-Maria de Hérédia (voir son portrait ici : https://jeanlouislebreton.com/?p=1161). Elle a 52 ans en 1927 lorsqu’elle écrit « Esclave amoureuse » sur l’un de ses thèmes de prédilection : la soumission de la femme par l’amour. Thème d’autant plus curieux que Marie a vécu en femme (presque) libre, collectionnant amants et maîtresses à la barbe de son époux qu’elle avait été plus ou moins contrainte d’épouser sous la pression de sa famille. Les Hérédia se débattaient dans les difficultés financières du fait du train de vie de son père, José-Maria. Et Henri de Régnier qui était riche avait promis d’éponger les dettes s’il épousait Marie…

Avant d’entrer plus avant dans le sujet du livre, je dois préciser que les Hérédia étaient d’origine créole et possédaient à Cuba d’importantes plantations de café. En s’installant en France, Jose-Maria dilapida cet héritage. Influencée par ses origines, Marie avait créé « L’Académie canaque » avec ses amis du monde littéraire, une parodie de « L’Académie française » (qui lui décerna tout de même un grand prix pour l’ensemble de son œuvre en 1918…). Cette précision pour expliquer que le roman se déroule en Louisiane à l’époque des colons français…

Esclave amoureuse

Antoine Fernier revient à la Nouvelle-Orléans où il possède de nombreuses plantations, après quatre années d’absence… quatre ans passés à Paris. En partant pour la métropole, il a abandonné sa maîtresse, Grâce Mirbel, dont il avait fait son esclave amoureuse. Il l’a quittée sans un mot et sans une explication. De retour, il la retrouve toujours aussi belle. Elle est courtisée par Charlie, un beau jeune homme au cœur pur. Antoine, fier et vaniteux, ne supporte pas l’idée que Grâce puisse appartenir à un autre homme et décide de la reconquérir. Elle l’accueille glacialement et lui reproche de l’avoir plaquée sans explications. Elle prétend s’être remise de la rupture et ne veut plus avoir affaire à lui. Elle lui demande de renoncer à la voir. Attitude qui excite encore plus le désir d’Antoine. Prétentieux et sûr de lui, il la presse psychologiquement et physiquement, imposant sa présence et lui disant qu’elle est encore amoureuse, même si elle s’en défend.

Charlie a senti la perversité d’Antoine. Grâce le supplie de la protéger de cet ancien amant. Elle lui demande de l’éloigner et jure qu’alors elle lui appartiendra. Charlie va donc provoquer Antoine en duel. Les deux hommes se battent. (Attention ! Ceux qui ne veulent pas connaître la fin peuvent s’arrêter de lire ici, car je vais raconter le dénouement…)

Charlie est blessé et vient se faire soigner chez Grâce. Antoine s’y rend aussi pour prendre de ses nouvelles, affirmant qu’il n’a pas voulu le tuer. Grâce le reçoit, bouleversée et lui demande s’il n’a rien, puis elle se jette dans ses bras en s’exclamant « Ah ! s’il t’avait tué !… »

« Il la reçut sur sa poitrine enfin vaincue et pantelante. [] Antoine souleva la tête de l’amante reconquise. Il regarda tout au fond des yeux verts, et il comprit que la lutte était finie et que l’esclave amoureuse revenait au joug de son maître ». Ah, ben merde alors, s’exclame le lecteur dépité. Pourquoi l’auteure fait-elle ce cadeau à son odieux personnage ? L’amour, mon vieux, ça ne s’explique pas… Tout de même, j’enrage !

jllb