Le congrès de Tours de 1920

Le congrès de Tours de 1920

Le congrès de Tours de 1920

Documentaire de Philippe Saada

(à voir sur Public Sénat ou YouTube)

Voilà un documentaire passionnant pour qui s’intéresse un tant soit peu à l’histoire. Il nous montre comment la gauche s’est divisée en deux lors du Congrès de Tours en 1920 et la création du Parti communiste qui en est résultée.

Pour bien comprendre cet important fait historique, Philippe Saada en analyse les racines. En 1905, Jean Jaurès a réussi à créer l’unité au sein de la SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière) qui rassemble des anciens de la Commune de Paris et des ouvriers syndiqués. L’idée de la révolution internationale est de renverser l’État capitaliste et de donner le pouvoir aux ouvriers afin qu’ils s’approprient les outils de production. À terme, c’est aussi l’abolition des frontières et la mondialisation de « la Sociale ».

Mais bientôt les rumeurs de guerre se précisent et des dissensions apparaissent au sein de la SFIO. Jean Jaurès défend ardemment l’idée de la paix et cherche à provoquer une grève générale commune des ouvriers français et allemands afin d’éviter le conflit. Il est assassiné le 31 juillet au Café du Croissant par le nationaliste Raoul Villain. Dès lors, tout change. Les députés socialistes qui ont toujours refusé de voter les budgets de guerre acceptent de voter le budget de « Défense nationale » (ce qui revient exactement au même) et de tourner le dos aux idées de Jaurès. De leur côté les socialistes allemands refusent la proposition émise par Jaurès avant sa mort.

La France, alliée de la Russie (encore Tsariste) entre en guerre avec l’Allemagne. Certains membres de la SFIO se désolidarisent alors et prêchent pour l’arrêt de la guerre. En septembre 1915 à Zimmerwald en Suisse, des Français, des Allemands et des Russes se retrouvent lors d’une conférence pour parler de paix. Lénine et Trotski participent à cette réunion. Trotski en rédige le « Manifeste » et appelle les prolétaires de tous les pays à s’unir. Cette action déclenche la colère des socialistes français partisans de la guerre à outrance.

Peu de temps après, la Révolution débute en Russie et les bolchéviques prennent le pouvoir en 1918. Ils signent immédiatement la paix avec l’Allemagne, ce qui provoque la stupeur et l’incompréhension des mêmes socialistes qui ont voté la Défense nationale, mais ce qui renforce l’influence de ceux de Zimmervald qui veulent lutter contre toute forme de patriotisme et abolir les frontières au profit du communisme. Fernand Loriot, « Zimmervaldien », entre en conflit avec les ministres socialistes qui ont choisi l’action patriotique et donc la guerre.

Cette fraction au sein de la SFIO va devenir béante lors du Congrès de Tours de 1920. La Russie est devenue soviétique, Lénine et Trotski au pouvoir sont des partisans radicaux de la Révolution. Lorsque la SFIO aborde la question de la IIIe Internationale, c’est-à-dire l’entente internationale des peuples pour la Révolution, Lénine impose 21 conditions à la section française pour adhérer à cette entente. Et ces conditions sont drastiques : le centralisme démocratique qui donne tout le pouvoir au parti, la tutelle du parti sur les syndicats, le soutien sans réserve et inconditionnel de l’Union soviétique, etc. C’en est trop pour certains comme Léon Blum qui voient là le germe de la dictature. Pour les « pro soviétiques », c’est au contraire le passage nécessaire pour faire aboutir leurs idéaux.

La scission est consommée : d’un côté la SFIO représente la partie des socialistes réformistes, de l’autre la SFIC (Société Française de l’Internationale Communiste), rapidement rebaptisée PC (Parti Communiste) représente les tenants du socialisme révolutionnaire qui adhèrent à la IIIe Internationale. Le PC conservera la propriété du journal « L’Humanité » créé par Jean Jaurès.

Si le PC français reste résolument dans l’opposition parlementaire, la situation évolue en Allemagne et en Russie. La montée du nazisme inquiète Staline qui a pris le pouvoir en 1929. Il contraint le parti communiste français à s’allier de nouveau avec la SFIO pour former un front capable de le soutenir face au nazisme. Ce sera le Front populaire, coalition des partis de gauche (SFIO, radicaux, communistes) qui prend le pouvoir en mai 1936 et nomme… Léon Blum, un socialiste, à sa tête ! Déception des communistes…

Le documentaire de Philippe Saada s’attarde ensuite sur les conséquences de cette scission et sur les conflits fratricides entre le PC et le PS après la Seconde Guerre mondiale et jusqu’à nos jours. Il montre comment de Gaulle et Mitterrand ont utilisé le PC tout en limitant son influence. Et la plupart des historiens qui interviennent à l’écran s’accordent pour dire que le peuple français était, finalement, plus réformiste que révolutionnaire. Chacun en tirera ses propres conclusions.

De droite, de gauche, du centre ou d’ailleurs, vous pouvez voir ce documentaire aussi instructif que passionnant dans son intégralité sur YouTube ici :

jllb