Les cadets de Gascogne

Les cadets de Gascogne

Les cadets de Gascogne
Henry de Gorsse et Joseph Jacquin

Chiné dans un vide-grenier, ce livre paru en 1908 est une petite curiosité littéraire puisqu’il s’agit des aventures de Cyrano de Bergerac… qui ne sont pas écrites par Edmond Rostand ! On pourrait penser au plagiat, mais en cherchant un peu, je me suis aperçu que Henry de Gorsse était un ami d’enfance de Rostand. Né en 1868 (comme Rostand) à Bagnères de Luchon, de Gorsse a fait carrière comme homme de lettres, principalement dans le théâtre. Il a puisé dans le répertoire des autres pour en faire des adaptations. C’est le cas avec ce roman inspiré de Cyrano (dont il semble qu’il a tiré une pièce de théâtre, mais je n’en ai pas trouvé le texte), mais aussi avec une autre pièce intitulée « Arsène Lupin contre Herlock Sholmès », pochade tirée des œuvres de Maurice Leblanc.

J’ai déniché un peu d’information sur Henry de Gorsse, mais pas grand-chose sur Joseph Jacquin (1866-1949), co-auteur de ce texte. Une fiche de la BNF indique qu’il a tout de même écrit une cinquantaine de livres pour la jeunesse et qu’il était rédacteur en chef de « Mon Journal » et de « lecture pour tous ».

De Gorsse et Jacquin ont travaillé ensemble pour publier deux livres : « La jeunesse de Cyrano » (disponible sur Gallica) et « Les cadets de Gascogne ». Avec la bénédiction d’Edmond Rostand puisqu’il en a écrit la préface que voici :

« Mon cher Henry,

J’ai lu avec joie le pittoresque roman de cape et d’épée que tu viens d’écrire avec M. Joseph Jacquin. Il me semble que je connais les paysages où tu situes la première partie et qu’ils ressemblent fort à ceux où nous allions, gamins, faire des orgies de framboises et de mûres. Le manoir des Quatre-Vents m’a rappelé cette tour de Castel-Vieilh dont si souvent nous fîmes le siège : il a son allure et sa façon dédaigneuse de laisser tomber des pierres. Je te remercie, ainsi que ton collaborateur, de dédier ce roman à mes fils qui ont l’âge que nous avions quand nous nous sommes connus. Je suis sûr qu’il leur plaira : et j’espère qu’il aura pour lui tout ce jeune public qui a déjà fait la connaissance de Cyrano en matinée.
Je te serre cordialement les mains.

Edmond Rostand »

« Les cadets de Gascogne » est donc un roman de cape et d’épée plutôt destiné à un public jeune. Cyrano se trouve à Paris au moment de la Fronde qui oppose plusieurs pairs de France à Mazarin et, par voie de conséquence, au jeune roi Louis XIV, âgé de treize ans et à sa mère Anne d’Autriche. La Fronde est menée par Condé, soutenu par le Duc d’Orléans et Mme de Montpensier. Ils espèrent déposer le roi et prendre le pouvoir.

Cyrano, qui est fidèle à la cause du roi, fait la connaissance d’une jeune fille, Catherine de Monbazillac. Le père de celle-ci a été assassiné par son oncle, le duc de Perdigal qui fait partie de la conspiration des frondeurs. Cyrano va aider Catherine à se venger de cet oncle meurtrier et, par la même occasion, participer à la contre-offensive royale menée par Turenne qui finira par avoir raison des frondeurs.

Si le livre est agréable à lire et joliment illustré par Hermann Vogel, on est loin du talent de Rostand : pas d’envolée lyrique, pas de tirade sur l’amour ou la beauté. Ici, Cyrano et ses compagnons sont principalement bretteurs et ripailleurs. Tout ce qui fait le sel du Cyrano de Rostand, sa sensibilité, son panache, est absent de ce texte.

Petite note d’humour tout de même lorsque Cyrano présente ses compagnons à Catherine de Monbazillac, car leurs patronymes ne manquent pas d’originalité. Jugez vous-même : « Bertrand-Antoine-Guillaume d’Antignac », « Hippolyte-Henri-Louis de Lapifouillac » et « Martin-Gilles-Denis de Rataplac ». Il faut dire que Cyrano se nomme lui-même « Hercule-Savinien-Cyrano de Bergerac »…

jllb