Mes secrets
de la mer Rouge
Gisèle de Monfreid
La couverture était alléchante, avec la photo d’Henry de Monfreid dans son boutre et sa fille Gisèle en médaillon… Et je suis un peu déçu du voyage. Gisèle raconte ici sa prime enfance dans le petit village d’Obock, près de Djibouti. Son père, Henry, est sans cesse sur les eaux. Il trafique : du haschich, des perles, des armes, des médicaments. Sa mère, Armgart Freudenfeld, s’occupe des enfants et peint en attendant qu’Henry revienne de ses expéditions maritimes. Tous les deux ou trois mois, il réapparaît. La vie reprend. Gisèle est en admiration devant ce père dont la forte personnalité écrase tout autour de lui. Il parle l’arabe, s’est converti à l’Islam pour mieux commander ses hommes d’équipage et se fait appeler Abd-El-Haï. En réalité, il n’a que faire de la religion. Seules ses affaires l’intéressent. Et il est très occupé.
Gisèle raconte son petit quotidien : les fessées, l’heure du thé, les migraines de son père, la natation avec les enfants du village, ses relations avec les domestiques. Des anecdotes sans grand intérêt. On attend la description de la relation père-fille à l’adolescence. Elle ne vient jamais. Le livre s’arrête à l’enfance, alors qu’il contient une superbe photo de Gisèle, jeune femme, sur l’Altaïr, l’un des bateaux de son père. Frustrant.
Le texte donne tout de même envie d’en savoir plus sur Monfreid. Il a eu deux vies de couple principales (et des dizaines accessoires, puisqu’il semble avoir eu des femmes dans chaque port). Fils d’un peintre plutôt bohème, Henry rate ses études, sans doute à cause de la séparation de ses parents. Il vit d’expédients avant de se faire embaucher chez Maggi comme contrôleur de la qualité du lait. Il est congédié pour avoir traficoté avec les produits. Il rachète une petite laiterie à Trois-Moulins en 1909, mais c’est un échec commercial. Après avoir vécu pendant dix ans avec Lucie Dauvergne à qui il a fait deux enfants, il rencontre Armgart, jeune Allemande qui prend des cours de dessin chez son père. Il l’épouse, l’emmène à Djibouti et entame sa seconde vie de colporteur, trafiquant, espion, aventurier. Encouragé par Armgart, il écrit pour raconter ses exploits et connaît le succès littéraire. Bref, un homme prolixe, affairé, mais pas très sympathique. Rude avec ses enfants et seulement attentif avec eux lorsqu’ils sont malades…
Je ne sais pas ce qu’est devenue Gisèle de Monfreid. Le livre a été publié dans les années quatre-vingt. Depuis, aucune trace d’elle. En revanche on retrouve de nombreux petits-enfants et descendants de Monfreid sur la toile. Il a beaucoup essaimé !