Pot-Bouille
d’après le roman d’Émile Zola
BD de Cédric Simon et Éric Stalner
Les Arènes BD
S’attaquer à un roman-fleuve d’Émile Zola pour l’adapter en BD est une gageure en partie réussie. Je dis « en partie » parce qu’il est impossible en 128 planches de BD de rendre la complexité de l’œuvre de l’écrivain et la subtilité psychologique des personnages. L’histoire est à la fois simple et très complexe. La partie simple : un jeune homme de bonne famille, Octave Mouret, vendeur d’articles pour dames, monte à Paris chercher du travail. Par relation, il connaît les Campardon, bourgeois parisiens, qui lui ont trouvé une chambre à louer dans leur immeuble de la rue de Choiseul et une place de commis dans le magasin des Hédouin : « Au bonheur des dames ». Octave va faire la connaissance de tous les occupants et occupantes de l’immeuble, domestiques compris et n’aura de cesse de chercher à s’élever dans la hiérarchie sociale en couchant avec les femmes qui peuvent l’aider dans ce sens.
La partie complexe du récit s’exprime dans les multiples relations qui se nouent entre les personnages de l’immeuble : les hommes et leurs maîtresses, les femmes et leurs amants, les filles à marier, les domestiques trop bavards, etc. Avec ce roman, le dixième de la série des « Rougon-Macquart », Zola développe une satire acide de l’hypocrisie bourgeoise du 19e siècle.
La BD, par son style de dessin, accentue la caricature des personnages. Par les détails de ses décors, elle rend l’atmosphère rococo des appartements de l’époque. Par sa mise en page, elle insuffle une dynamique de l’action. Sur ces trois plans, c’est un succès. Là où le bat blesse, c’est par la simplification obligatoire du scénario. Si l’on n’a pas lu le livre, il est difficile de s’y retrouver dans le « pot-bouille » de l’histoire. Petite explication : le titre « pot-bouille » est une expression d’époque qui signifie « tambouille ». Par ce mot, Zola a voulu symboliser la « cuisine » des relations humaines qui lient ses personnages : un mélange de bonnes manières et de coups tordus, de sincérité et de tartuferie, de loyauté et de sournoiserie. Un brouet amer.
Au final, c’est tout de même un bel album et quel travail pour produire ces 128 planches en couleurs ! À 19 € le livre, on n’est pas volé sur la marchandise.