Trio d’amour

Trio d’amour

Trio d’amour
Jeanne Marais
1919

Cet avant-dernier roman de Jeanne Marais est encore construit sur le thème de l’amour impossible. Adrienne Leforestier, jeune et jolie bourgeoise a perdu ses parents et se trouve désargentée. Un ami de la famille, le député Edmond Descombes, âgé d’une cinquantaine d’années, la recommande à son ami d’enfance, l’avocat Robert Labrousse. Celui l’engage comme dactylo et Adrienne ne tarde pas à tomber follement amoureuse de ce patron, certes beaucoup plus vieux qu’elle, mais homme accompli, ayant réussi dans la vie et dans les affaires. Robert est marié à une jeune et jolie femme, Cécile, qu’il trompe allègrement avec des actrices de théâtre. Des liaisons sans importance pour lui, qu’il renouvelle régulièrement. Adrienne, belle et distinguée est jalouse de ces filles vulgaires et ne comprend pas que son patron ne s’intéresse pas à elle qui est d’une autre classe. Elle fait pourtant tout pour le séduire, arbore des décolletés plongeants, se farde, se parfume et va jusqu’à se teindre en blonde. Mais Robert est insensible à son charme. Elle finit par lui avouer ouvertement son amour. D’abord étonné, mais toujours froid, il la congédie avec une certaine pitié : « Pauvre fille amoureuse de moi », pense-t-il. Adrienne, en larmes, va se réconforter dans les bras d’Edmond. Touché par le chagrin de la jeune femme, il lui propose de l’épouser, malgré son âge, et tout en sachant qu’elle est toujours amoureuse de Robert. Sans ressources et conquise par la gentillesse d’Edmond, elle accepte.

Mais la vie ne tarde pas à les remettre tous les trois face à face. En vacances à Monte-Carlo, ils croisent Robert venu se détendre avec sa maîtresse, l’actrice Mistiche. Surpris — il n’est pas au courant du mariage — Robert pense qu’Adrienne, n’ayant pu le séduire, s’est rabattue sur Edmond et est devenue sa maîtresse. Edmond lui révèle la vérité et, lorsqu’ils sont seuls, il lui demande un service peu banal. Il lui propose de faire la cour à Adrienne, sa propre femme, pour qu’elle soit dégoûtée de Robert, pensant qu’il n’hésite pas à trahir ainsi son meilleur ami. Mais rien ne va se passer comme prévu.

Dans ce chassé-croisé presque vaudevillesque aux accents dramatiques, Jeanne Marais analyse finement les sentiments d’Adrienne, jeune femme passionnée et amoureuse ardente. Elle met en opposition amour et volupté, autrement dit les sentiments et le désir de la chair. Adrienne se marie par amitié avec le vieil Edmond et l’on suppose que le mariage n’est pas consommé, mais l’auteure n’en parle pas. Cependant Adrienne brûle encore intérieurement de passion pour Robert. C’est en voulant éteindre ce feu qu’Edmond manigance une manœuvre pour discréditer Robert aux yeux de sa jeune femme. Adrienne va-t-elle trahir son ami/mari pour son amour impossible ? La manipulation est un thème récurrent de l’œuvre de Jeanne Marais. Généralement, les manipulateurs, aussi motivés soient-ils, n’atteignent jamais leur but. Jeanne Marais/Lucienne Marfaing, tout comme Adrienne, devait croire à l’amour absolu, à l’amour pur, à l’amour unique. Elle n’était pourtant pas insensible à l’émoi du corps, à cette « volupté » qu’elle évoque et sait mettre en scène. Mais, ses personnages se reprennent chaque fois qu’ils cèdent à leurs pulsions, comme si succomber au sexe c’était salir l’amour.

jllb

Laisser un commentaire