La fille aux yeux d’or

La fille aux yeux d’or

La fille aux yeux d’or
Balzac

Trouvé dans un vide-grenier, j’ai craqué sur le titre et la couverture. Editions R. Simon de 1937, le livre fleure bon le papier jauni, et toute une époque révolue vient me chatouiller les narines : j’adore. J’aspire, je hume, je jouis et me réjouis à l’avance. Mais passons sur l’objet et attaquons le fond. Il s’agit ici d’une nouvelle d’Honoré de Balzac faisant partie de « La Comédie humaine » et, bien que ce ne soit pas indiqué sur la couverture, elle est suivie d’une autre nouvelle : « La duchesse de Langeais ».

Pour moi, c’est le premier pied que je mets dans la « Comédie humaine » (ben oui, je n’ai pas lu tout mon Balzac de A à Z) et je n’aurais peut-être pas dû entrer par cette porte parce que, franchement, ce texte est un poil casse-bonbons. Je vais m’empresser de le déflorer entièrement dans cet article, donc ceux qui ne souhaitent pas en connaître la teneur peuvent sortir dès à présent, ils sont prévenus.

Sur les 89 pages de la nouvelle, les trente premières sont consacrées à dresser un portrait du Paris de l’époque de l’auteur, sans aucun rapport avec ce qui va suivre. Un Paris sombre, voire sinistre, voire à se tirer une balle dans le caberlot. Une population parisienne constituée d’un « peuple horrible à voir, hâve, jaune, tanné. Paris n’est-il pas un vaste champ incessamment remué par une tempête d’intérêts sous lesquels tourbillonnent une moisson d’hommes que la mort fauche plus souvent qu’ailleurs et qui renaissent toujours aussi serrés, dont les visages contournés, tordus, rendent par tous les pores l’esprit, les désirs, les poisons dont sont engrossés leurs cerveaux ? ». C’est gai, n’est-ce pas ? Et ça continue comme ça un bon moment avant que l’auteur ne daigne démarrer son histoire.

Le diesel étant chaud et le starter tiré, on y va. Henri de Marsay est le fils naturel de Lord Dundley et de la marquise de Vordac. Dudley a poussé la marquise à épouser un vieux gentilhomme du nom de « de Marsay » et a doté son gamin d’une rente de cent mille francs. Le britiche ayant réglé son affaire ne s’intéresse plus à sa progéniture. (J’ai payé, lâchez-moi les baskets, please).

Henri, pété de thune jusqu’à l’os vit donc comme un dandy, tombeur de femmes et, somme toute, pas très intéressant. Mais ne voilà-t-il pas qu’il croise, rue de Castiglione, une jeune femme accompagnée de sa duègne et dont le regard aux yeux d’or le fait craquer : il la lui faut ! D’autant qu’il la revoie, qu’elle le regarde, qu’elle lui touche la main en le croisant : c’en est trop ! Il la veut dans son lit (à lui) ou dans le sien (à elle) et que ça saute. Hop, on n’attend pas, les gonades doivent tirer leur feu d’artifesses sur le champ. Il en parle à ses potes qui lui disent que personne ne peut séduire la donzelle. Car plus il s’approche, plus elle s’éloigne. Donc, comme disait Corneille « Et le désir s’accroît quand l’effet se recule ». Il la fait suivre par un de ses valets. La belle se nomme Paquita Valdès et vit dans l’Hôtel Sans-Réal, rue Saint-Lazare où personne ne peut pénétrer et dont elle sort très peu. Est-elle la propriété d’un vieux baron qui veut se la garder pour lui seul ? Un autre « Barbe bleue » ? Henri, émoustillé, va faire des pieds et des mains pour franchir les obstacles et devenir son amant. Il finira par y parvenir et découvrira la vérité, mais un peu trop tard. C’est après avoir couché avec elle qu’il apprend tout. En réalité, Paquita vit en couple avec une femme. Oui : une femme ! La marquise de San-Réal ! Celle-ci, terriblement jalouse et apprenant que Paquita est la maîtresse d’Henri la tue sauvagement. Henri arrive après le carnage (c’est bête, hein ?). Il rencontre cette marquise et se rend compte… que… que… que quoi ? Bon sang : qu’elle est sa sœur ! Oui, sa sœur à lui ! Une autre fille de Lord Dundley ? Yes !  Et hop, l’histoire s’arrête -là, débrouillez avec le paquet, Balzac passe à autre chose. Descendez, on vous demande. Mais, s’il vous plaît, Monsieur Honoré, pourquoi nous planter là sans explication ? Hein ? Vous êtes un peu léger sur ce coup (encore que la nouvelle soit écrite dans un style bien lourd, et aussi dense qu’une mousse au chocolat trop compacte).

Alors oui, certes, vous avez abordé le problème de l’homosexualité et (à peine) évoqué le thème de l’inceste dans cette nouvelle bien dure à digérer. Ce qui était nouveau, voire provocateur, pour votre époque. Mais, au final, ce texte est fort mal construit et franchement soporifique. Du condensé d’extrait de pain dur. Pour ceux qui sont allés au bout de cette chronique, remerciez-moi de vous avoir évité cette voie littéraire engluante (mot qui n’existe pas, mais vous m’avez suivi). Ne passez pas par la case prison, ne touchez pas 20 000 €, lancez les dés à nouveau et mangez un esquimau (Balzac 001, Jean Mineur publicité, 79 champs Élysées, Paris).

jllb