La Daronne

La Daronne

La daronne
Hannelore Cayre
Collection Points

 

Ce polar, lu sur les recommandations de mon amie Nathalie Tessier, est une bonne pioche. D’abord parce que le style d’écriture d’Hannelore (Anne-Laure, je suppose) Cayre est fluide, ensuite parce qu’elle a un sens bien prenant du récit. C’est le genre de livre qui ne vous lâche pas la main tant que vous n’êtes pas arrivé à la dernière page. Je l’ai lu en une petite soirée, sacrifiant deux heures de sommeil pour aller au bout de l’affaire.

Je vous fais le pitch en quelques mots sans divulgâcher (<— j’adore ce terme québécois) l’intrigue. Patience Portefeux, 53 ans, est la fille d’un pied-noir tunisien et d’une juive autrichienne. « Des métèques, des rastaquouères, des étrangers » qui n’ont eu d’autre choix pour vivre que de se précipiter sur n’importe quel argent, d’accepter n’importe quelles conditions de travail ou de magouiller à outrance. Sans hésiter, ils ont opté pour les trois solutions en même temps.

Patience, élevée par « un » nounou black et juif, mi-domestique, mi-esclave de la famille, a très tôt appris la langue arabe. Elle en a ensuite étudié les variantes et les subtilités à l’université. Ce qui l’a amenée à devenir traductrice pour les flics. Son job étant principalement d’établir le compte-rendu des conversations sous écoute des malfrats des quartiers d’origine beur versés dans les trafics les plus divers. Ce faisant, elle finit par s’intéresser à une famille de Marocains ayant créé sa propre filière artisanale de culture, d’importation et de vente de shit. Lorsque Patience apprend que la mère de l’un d’entre eux est l’infirmière chargée de s’occuper de sa vieille maman qui croupit dans un EPHAD, elle entrevoit soudain la possibilité d’être la digne fille de ses combinards de parents et d’assurer ainsi son confort matériel et l’avenir de ses deux filles. Elle va bientôt devenir « la daronne » (la « mère » en argot) et une personnalité de ce milieu aussi interlope que banlieusard. Et, bien sûr, les choses vont commencer à se compliquer.

Hannelore Cayre est avocate pénaliste et on sent qu’elle connaît son sujet, tant sur le plan policier que judiciaire. On en apprend pas mal sur le fonctionnement de ces deux institutions, mais c’est avant tout le décorticage de la personnalité de Patience Portefeux qui nous rend le personnage éminemment sympathique et on la suit dans sa plongée en eaux troubles comme un rémora collé sur l’aileron d’un requin femelle. Honnêtement, c’est assez jouissif.

J’ajoute (remarque personnelle) qu’une petite partie de l’intrigue (page 82) se déroule rue des Envierges dans le XXe arrondissement de Paris, là-même où j’ai ouvert une librairie (l’Œil du Futur) à la fin des années soixante-dix…

Hannelore Cayre, avocate et autrice
jllb