Wanda
Jean de la Hire
Éditions André Jaeger
Objectivement, Jean de La Hire (Adolphe d’Espies, voir sa fiche à son sujet) est bien meilleur écrivain dans le domaine du roman d’aventures que dans celui de la science-fiction. À sa décharge, les connaissances en matière spatiale avant-guerre étaient encore au stade embryonnaire. On ne connaissait rien de la planète Mars (ni de la Lune) et les auteurs pouvaient laisser délirer leur imagination quant à la présence de Martiens ou de Sélénites sur l’une et l’autre planète…
Le roman « Wanda » fait partie de la série des aventures de Léo Saint-Clair, dit « Le Nyctalope ». Ce héros hors du commun a pour caractéristiques de posséder un cœur inusable et de disposer d’une parfaite vision nocturne, ce qui lui confère un avantage sur tous ses adversaires. J’ajouterai que l’auteur l’a fait beau et intelligent, ce qui lui permet de récolter les conquêtes amoureuses comme on cueille des cerises au printemps. Car Jean de la Hire ne manque jamais d’agrémenter ses écrits de bluettes sentimentales : lui-même devait être un romantique échevelé. Bang bang, fait le cœur du lecteur.
Wanda est belle, très belle, mais c’est une garce obsédée par deux objectifs : devenir riche à millions et se venger de Léo Saint-Clair qui fut son amant d’un soir, mais qui l’a rejetée. Pour atteindre le premier, elle approche la princesse Irina Zahidof en villégiature à Nice dans le palace du Négresco. La jeune Russe possède un grand château (le château de « la Horde-Kalmouke ») et des terres au Kirghizistan. Wanda détient un très important secret à propos de cette propriété que la princesse elle-même ne connaît pas. Sous prétexte d’une croisière d’agrément, Wanda organise une expédition pour se rendre sur place, d’abord en bateau puis à cheval à partir d’Astrakhan et vers Tsaritsyne. Elle veut spolier Irina Zahidof de sa fortune et l’obliger à épouser un comparse. Mais Léo Saint-Clair (rien à voir avec Bob Saint-Clar) évente la forfaiture et se lance à la poursuite de la bande à Wanda dans le but de sauver la princesse, qu’il connaît bien et dont il est lui-même amoureux.
S’ensuit un joli déroulé d’aventures Julesvernesques où Cosaques, paysans Kirghizes et espions de la terrible organisation secrète Okrana se livrent une guerre sans merci. On se doute que le Nyctalope parviendra à ses fins, mais son parcours est semé d’embûches et de cadavres. Trahisons, retournements et coups de théâtre s’enfilent comme des poivrons sur une brochette à l’heure du barbecue. On suit ses audacieuses pérégrinations avec une question en tête : mais quel est donc ce grand secret qui agite tous ces personnages et les fait s’entretuer ? Et on finit par le savoir, à condition d’aller jusqu’au dernier chapitre.
L’action se déroule en 1913 à l’époque du dernier Tsar. Le livre est un peu le « Michel Strogoff » du pauvre, mais ça se lit avec un certain plaisir. Comme si on rendait visite à une arrière-grand-tante un peu noble, confite dans la poussière, meublée en merisier et acajou, devant une tasse de thé servie dans de la porcelaine anglaise, et qu’elle vous racontât les aventures héroïques de son mari disparu depuis bien longtemps dont elle conserve, émue, le souvenir amoureux de ses rêves de jeune fille.