Le pur et l’impur

Le pur et l’impur

Le pur et l’impur
Colette

Ce livre de Colette est paru en 1930 sous le titre « Les plaisirs… ». En 1949, elle l’a réédité sous le titre « le pur et l’impur » et s’en explique : « S’il me fallait justifier un tel changement, je ne trouverais qu’un goût vif des sonorités cristallines, une certaine antipathie pour les points de suspension bornant un titre inachevé — des raisons, en somme, de fort peu d’importance. »

À la vérité, le second titre est mieux adapté au contenu de ce livre pas facile de Colette dont elle dit « On s’apercevra peut-être un jour que c’est là mon meilleur livre ». En tout cas, ce dont on s’aperçoit, c’est qu’il ne s’agit pas d’un livre ordinaire. Je pourrais presque le qualifier de « texte philosophique » parce qu’à certains moments, ça part dans des sphères réflexives de haute volée et il faut s’accrocher pour suivre le propos de l’autrice. C’est à la fois passionnant et très énervant.

Mais tout d’abord de quoi cela parle-t-il ? C’est un compte-rendu de réflexions, de conversations et d’expériences personnelles autour de plusieurs thèmes : le plaisir de la drogue, le plaisir sexuel, l’homosexualité féminine et masculine. Je passe sur le plaisir de la drogue : sa description des milieux de l’opium n’a pas grand intérêt à mes yeux. Mais elle enchaîne assez rapidement sur l’homosexualité féminine et parle avec profondeur des rapports qui régissent les couples de femmes. Elle y apporte un point de vue original en nous laissant entendre qu’un homme serait bien incapable de comprendre les relations complexes qui unissent deux femmes, si différentes de celles d’un couple hétéro. Mais comme c’est longuement expliqué, on finit par avoir l’impression de s’approcher de la vérité. Ou tout du moins de « sa » vérité, car les mœurs en la matière ont bien évolué.

Colette nous parle aussi des hommes à femmes, du mythe de Don Juan et de ces quelques coureurs de jupons invétérés qui ont fait de la conquête un art de vivre et fuient toute idée d’une relation stable. On sent qu’ils l’intéressent et elle les observe comme des singes derrière des barreaux sans jamais avouer clairement si elle-même a cédé à ce genre de conquistador ou bien si elle a pratiqué à son profit leur technique de séduction.

Le plus beau (et le plus compréhensible) des chapitres est consacré à Pauline Tarn, poétesse anglaise plus connue sous le nom de Renée Vivien. Elle était la voisine de Colette qui se rendait régulièrement chez elle et participait aux agapes que la riche demoiselle organisait, brûlant sa vie dans le plaisir et l’alcool. Renée Vivien a traduit Sapho et a elle-même vécu de violentes passions féminines. Elle est morte en 1909, à l’âge de 32 ans, ruinée, brûlée de l’intérieur à tous les sens du terme. Colette avait 36 ans cette année-là. Et si elle admirait les textes et la poésie de Renée, elle ne pouvait pas la suivre dans ses délires alcoolisés. Colette en bonne terrienne bourguignonne a toujours su garder les pieds sur terre.

Enfin les derniers chapitres sont consacrés à ses amis de jeunesse, hommes homosexuels dont elle décrit les difficultés à vivre dans une société pourtant assez permissive à l’époque.

Je vais maintenant dire deux mots sur l’écriture de ce livre. Comme d’habitude, avec Colette, le vocabulaire est riche, l’ellipse foisonnante et la réflexion profonde. Mais il y a dans ce recueil des mots, des paragraphes et parfois des pages entières que je ne comprends pas. Je les lis, je les relis, le texte est beau, mais rien à faire : je n’en atteins pas le sens. Je me dis : « je suis un crétin, elle est trop intelligente pour moi »… Puis, n’ayant pas trop le goût à l’autoflagellation, je rectifie : « elle s’est vraiment trop laissé aller dans le fumeux ». Et quand, plus tard, elle qualifie ce texte de son « meilleur livre » ne cherche-t-elle pas à nous enfumer encore ? Elle était coquine.
J’aimerais bien avoir l’avis d’autres lecteurs. L’édition de poche ne représente que 157 pages. Je m’étais dit que j’allais lire ça vite fait. Que nenni… Dites-moi ce que vous en pensez.

PS 1 : la photo de couverture est géniale

PS 2 : Un paragraphe extrait du livre pour vous montrer la complexité de la pensée de Colette. Paragraphe de début de chapitre :

« Je ne suis pas allée bien loin chercher des confidences masculines. Auprès d’une femme, de qui la froideur ou le vice le rassurent, un homme déborde d’aveux. Il m’a semblé qu’à l’âge où une femme s’attarde à chanter, l’œil voilé de durable gratitude, les biens qui lui glissèrent des doigts, la cruauté du donateur, sa bassesse et sa maîtrise, l’homme couve une rancune que le temps n’éteint pas. »

À vos claviers. Vous avez deux heures pour m’expliquer ça !

jllb