Indiana

Indiana

Indiana
George Sand

Indiana n’est pas le premier roman de George Sand, mais c’est le premier roman qu’elle a écrit seule. Elle avait auparavant publié quelques textes en collaboration avec Jules Sandeau, son amant de l’époque, parus sous le nom de ce dernier. Quand, en 1832, l’éditeur lui demanda de conserver un nom d’homme pour la publication, elle proposa de reprendre « J. Sandeau ». Mais Sandeau refusa, par honnêteté, car il n’en avait pas écrit une seule ligne. C’est finalement l’éditeur, J. P. Roret qui trancha le débat en proposant de conserver « Sand » et qu’elle lui adjoigne un prénom masculin. Elle choisit alors « George », sans « s », nom de plume qu’elle conservera par la suite.

Juste pour le rappel, George Sand était née « Amantine Aurore Dupin ». Elle avait par son père, Maurice Dupin de Francueil, des origines nobles, et par sa mère, Sophie-Victoire Delaborde, des origines roturières. Politiquement, elle penchera du côté du peuple et développera des idées socialistes.

Mais aussi des idées féministes, et c’est le cas dans ce premier roman. Indiana est une jolie créole, originaire de l’île Bourbon (aujourd’hui l’île de la Réunion), mariée au colonel Delmare, un homme autoritaire, ombrageux, frustre et surtout beaucoup plus âgé qu’elle. Le couple vit avec Sir Ralph, cousin d’Indiana, un bel homme, veuf, sans éclat qui n’a connu que des malheurs dans sa vie. Indiana étant sa seule famille, il a demandé au colonel l’autorisation de demeurer près d’elle en jurant ne jamais porter atteinte à sa dignité.

Indiana rencontre Raymon de Ramière, un jeune noble futile mais beau. Il a déjà séduit en secret Noun, la femme de chambre d’Indiana, et l’a engrossée. Mais, en voyant sa maîtresse, il décide de l’abandonner car il s’est épris d’Indiana. Noun, désespérée, se suicide sans qu’Indiana en sache la cause.

Raymon sort le grand jeu pour faire tomber Indiana dans ses filets. Elle résiste puis s’éprend de lui avec passion sans toutefois lui donner son corps. Elle veut vivre un amour pur et entier et rêve de s’enfuir avec Raymon. Celui-ci finit par lui avouer la vraie raison du suicide de Noun. Elle lui pardonne et, un soir, elle quitte son mari pour rejoindre son amant de cœur. Le moment est bien choisi car suite à des ennuis financiers, le colonel Delmare a décidé de repartir avec elle sur l’île Bourbon pour tenter de se refaire une fortune.

Indiana arrive chez Raymon qui tergiverse, d’autant qu’elle ne veut toujours pas donner son corps. Désespérée, elle cherche à se jeter dans la Seine. Elle est sauvée in extremis par son cousin Ralph. Le mari apprend tout et la bat dans un accès de colère. Croyant que Raymon ne l’aime plus, elle accepte de partir mais dit à son mari qu’il ne lui ôtera jamais la liberté d’aimer qui elle veut (passage féministe). Ralph les accompagne sur l’île Bourbon où tout le monde se refait une santé jusqu’au jour où Indiana reçoit une lettre de Raymon. Frustré de n’avoir pu la posséder, il lui fait croire qu’il l’aime encore. Il n’en faut pas moins pour qu’elle se sauve et saute, en secret, dans le premier bateau, bien décidée à le rejoindre. Hélas, lorsqu’elle arrive en France, Raymon a déjà épousé une autre femme. Indiana songe à nouveau au suicide. Encore une fois, elle est sauvée par Ralph qui l’a suivie. Ralph et Indiana partagent leurs malheurs et décident de mettre fin à leur vie ensemble, sur l’île Bourbon où le mari d’Indiana vient (enfin) de mourir. Mais avant le geste fatidique, son cousin lui avoue l’amour qu’il lui a toujours porté et qu’il a caché pour ne pas trahir sa promesse. Vont-ils se tuer ? (Je laisse un peu de suspense).

Le personnage d’Indiana est touchant par sa sincérité, son engagement et surtout sa volonté de ne pas plier sous la tyrannie de son mari. Elle est entière dans l’amour qu’elle porte à Raymon et refuse d’abdiquer ses sentiments malgré le poids de sa condition sociale. Pour lui, elle est prête à rompre le pacte du mariage, alors que le divorce n’existe pas. Raymon, le volage, et le Colonel Delmare, le rustre, sont bien dépeints par George Sand qui nous fait partager la bassesse des sentiments pour le premier et la possessivité égoïste pour le second. Bref, George Sand démarre sa carrière littéraire en exprimant des idées féministes qu’elle ne tardera pas à mettre en pratique, multipliant les amants (Musset, Chopin et bien d’autres), en s’habillant comme un homme… et même en fumant la pipe. Indiana connaîtra un grand succès de librairie, ouvrant la voie pour George Sand à une magnifique carrière littéraire.

J’ajoute que cette version, publiée par « Les Belles éditions » (sans année de publication) et trouvée dans un vide-grenier m’a séduit par sa couverture. Mais le texte est truffé de coquilles et de fautes typographiques…

(Illustrations de Tony Johannot pour l’édition Hetzel de 1861.)

jllb