Cadeaux de Noël

Cadeaux de Noël

Cadeaux de Noël
Colette

Connaissant ma fervente admiration pour l’écrivaine Colette, une mienne amie m’a offert ce recueil de textes autour du thème de Noël, réunis par Frédéric Maget, l’un des pontes de la Colettophilie. Je doute qu’elle eût approuvé cette compilation en raison de son inévitable redondance. Après tout, Colette n’avait pas tant de choses à dire sur le sujet de Noël. Mais elle le dit si bien…

Ce sont là des articles écrits et publiés entre 1909 et les années cinquante dans des revues comme Le Matin (à l’époque dirigé par Henry de Jouvenel, son second mari), Marie-Claire, Vogue, mais aussi des revues plus anciennes : Paris-Théâtre, la Revue de Paris, Paris Soir, le Journal, Fiat, etc.

Les Noëls d’enfance de Colette n’ont pas gravé de mirobolantes réminiscences dans sa mémoire. Sa famille (et surtout sa mère) professant un athéisme de bon aloi, la fête religieuse ne tenait pas grand place dans la maison. Et si la petite fille rêvait parfois de cadeaux, ils arrivaient plutôt au jour de l’an, période des étrennes et du renouveau. Elle évoque toutefois avec le frisson du souvenir, l’hésitation de sa mère, entrant dans la chambre le soir de Noël. Croyant sa fille endormie, Sido place deux paquets enrubannés sur la paire de sabots séchant devant la cheminée puis, après réflexion, elle les reprend et sort en silence. Sido avait failli céder à la tentation de la tradition, mais elle s’était reprise, sans doute par conviction anti-religieuse. La fillette eut ses présents une semaine plus tard.

Pendant la Grande Guerre, Colette est sur le front, en Argonne, avec son mari Henry de Jouvenel. Elle raconte le Noël des gens simples, celui des militaires et montre que, malgré les privations, les bombardements et les destructions, rien n’entrave le plaisir de jouir de la vie pour un moment privilégié.

Enfin, lorsqu’elle est plus âgée, elle critique ces enfants déjà tombés dans le prurit du consumérisme et réclamant égoïstement de mirifiques offrandes à des parents déjà prêts à ouvrir en grand les portes de leurs économies.

On le voit, pas de grande réflexion philosophique dans cet ensemble de textes. Mais peu importe. Colette ne nous a pas habitués à de pompeuses dissertations. Elle est en revanche la reine de la « rédaction » telle qu’on la pratiquait dans l’école de mon enfance, lorsque la maîtresse écrivait à la craie crissant sur le tableau noir : « racontez une visite chez le médecin ». À ce petit jeu Colette, c’est sûr, aurait décroché un « quarante » sur « vingt » ! Richesse du vocabulaire, tournure de phrase, force de l’image : voilà où se nichent son talent et notre régalade. Là où un vulgaire plumitif écrirait : « Des croyants sortaient de l’église suivis de bergers portant des agneaux », Colette nous gratifie de ceci : « L’église refoulait jusque dans la rue son trop-plein d’ouailles provençales, bavardes, ensemble irrévérencieuses et attachées aux rites, et de beaux bergers qui portaient dans leurs bras des agneaux de lait ». N’est-elle pas merveilleuse ?

Merci, mienne amie, pour ce joli cadeau…

jllb

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