Aimienne ou le détournement de mineure

Aimienne ou le détournement de mineure

Aimienne ou le détournement de mineure

Jean de Tinan

Jean de Tinan est mort à 24 ans d’insuffisance cardiaque. Il a brillé le temps d’une étoile filante. Dandy, héritier d’une famille possédant des terres, il a vécu de ses rentes et a travaillé comme journaliste et écrivain. Il faisait partie de cette coterie de quelques privilégiés qui réunissait Pierre-Louÿs, André Lebey, Andé Gide, Henry Gauthiers-Villars (Willy) et d’autres.

Ce livre est paru un an après sa mort et s’inspire d’un fait réel. Tinan rencontre au café d’Harcourt (qu’il fréquentait assidûment) une jeune fille d’une quinzaine d’années : Irmine Gertrude Louise Boex qui se fait appeler « Minnie ». Elle est la fille de l’écrivain J-H Rosny aîné et s’est sauvée de chez elle parce qu’elle était en conflit avec sa belle-mère. Tinan l’emmène chez lui pour la loger, mais quand il apprend son âge, il décide de prévenir son père… qui ne se presse pas pour venir la récupérer. Et, de toute façon, le jour suivant Minnie sonne à nouveau à la porte de Tinan…

Dans son roman, Minnie est devenue « Mimi » et Raoul de Vallonges, le héros (double de Tinan) recueille cette fille rencontrée à l’angle du Pont-Neuf alors qu’il rentrait chez lui. Il l’héberge pour ne pas la laisser seule aux griffes de la nuit, la couche dans son lit et va lui-même dormir dans le divan. Mimi lui raconte sa vie, la jalousie brutale de sa belle-mère qui la frappe, le manque de considération de son père absorbé dans sa tâche d’historien et son refus catégorique de retourner chez elle.

Elle est belle, fraîche, menue, innocente et intelligente. Vallonges se refuse à toute relation avec elle et demande conseil à ses amis qui lui disent de la ramener illico chez son père. Mais il a promis à la gamine de ne pas l’abandonner. De son côté, elle se dit prête à tout pour rester chez lui, lui propose de devenir sa maîtresse, l’incite à délaisser le canapé pour venir dormir avec elle dans le lit. Au bout de quelques jours de divan, Vallonges accepte de réintégrer le lit, mais se jure de ne pas abuser de la jeune fille. Elle réclame des baisers, demande à être instruite sur les choses de l’amour. La situation devient tendue et l’envie de sauter le pas atteint son paroxysme. Mais il se sauve du lit sous un faux prétexte avant d’aller trop loin et finit la nuit dans un fauteuil.

Et… et… et Jean de Tinan meurt sans avoir achevé son roman. Il a toutefois laissé un synopsis et se proposait (apparemment) de terminer son livre en bonne morale et de faire en sorte que son personnage raccompagnât Mimi chez son père.

Dans la vie réelle, les choses ne se sont pas, semble-t-il, déroulées de la même façon et une lettre de Minnie semble attester de la liaison qu’elle aurait eue avec Tinan. J’ai commandé la biographie de l’auteur pour en savoir plus.

Tinan avait 24 ans et Minnie 15. Le livre a au moins le mérite de bien dépeindre le trouble du jeune homme partagé entre son désir et sa morale. En matière de sexe, rien n’est simple comme l’a décrit Karine Tuil dans son roman « Les choses humaines » (https://jeanlouislebreton.com/?p=1560). Notez que je ne cherche pas à excuser ceux qui abusent d’un mineur, faute impardonnable. Tout est dans le mot « abuser ». Lorsque Mimi se jette dans ses bras, se pend à son cou se frotte contre lui en réclamant d’être aimée, Vallonges a bien du mal à résister à ce corps de déjà femme, mais à cet esprit de gamine, pas encore responsable de ses actes. Cependant, il y parvient…

jllb

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