La vie ardente et intrépide de Louise Michel

La vie ardente et intrépide de Louise Michel

La vie ardente et intrépide de Louise Michel
Fernand Planche
1946

On le sait, Louise Michel (1830-1905) fut une militante irréductible et passionnée. Ce livre, écrit par Fernand Planche, un ouvrier coutelier anarchiste, apporte toutefois des éléments peu connus et intéressants sur la vie de celle qu’on surnommait « Louise la Rouge ». Les termes « ardente » et « intrépide » sont particulièrement bien adaptés pour qualifier l’existence de Louise Michel.

Ardente et intrépide, elle le fut dès la Commune de Paris, en 1871, où s’écrivirent les premières pages de sa légende. Active sur les barricades, elle ira jusqu’à porter l’uniforme des gardes mobiles et à faire le coup de feu. Au procès de Satory, où les juges versaillais envoyèrent les chefs de la Commune au poteau d’exécution et les autres en déportation vers la Calédonie, Louise Michel réclama la mort. L’homme qu’elle aimait (sans retour de sa part), Théophile Ferré, avait été fusillé. Elle voulait le suivre et menaça ses juges, les traitant de « lâches » s’ils ne la tuaient pas. Ils l’envoyèrent au bagne.

Ce qui frappe dans la personnalité de cette femme, c’est sa résistance au mal et sa volonté inflexible. Sur la Virginie, qui l’emmène vers Nouméa, elle donne tout à ses compagnes de voyage. Nourriture, vêtements, chaussures. Elle se prive pour les autres et ne semble jamais en souffrir. Henri Rochefort qui est déporté sur le même bateau, la voyant en état d’extrême dénuement, lui offre une paire de chaussons et l’oblige à les porter devant lui. Deux jours plus tard, elle les a offerts à une plus pauvre qu’elle.

En Calédonie, où elle va passer huit années, elle refuse le confort qu’on lui propose. Elle crée une école pour les Canaques, étudie la flore et la faune, part seule à la rencontre des tribus anthropophages bien qu’on l’ait mise en garde. Elle ne craint pas le sanger. Les Canaques l’adoptent et finiront par la vénérer. Partout où elle passe, sa douceur et son total dévouement font merveille. De retour en France en 1880, elle est devenue anarchiste militante et entreprend une grande tournée de conférences. Douce dans la vie, certes, mais violente dans les idées. Elle cautionne tous les attentats anarchistes, justifie le fait que des innocents soient tués parce que « c’est le seul moyen de faire avancer la lutte » pour renverser cet état qu’elle déteste.

Elle est à nouveau jetée en prison. Elle en profite pour étudier le milieu de la prostitution et elle nouera des amitiés à Saint-Lazare (prison de femmes). Elle rejette la grâce que le gouvernement lui accorde et le directeur de la prison est obligé de la mettre dehors, manu militari.

Lors d’une conférence, on lui tire dessus. Une balle lui arrache un lobe, une autre vient se ficher dans l’os derrière l’oreille. Elle refuse de se faire soigner et rentre à Paris « parce qu’elle a rendez-vous avec un éditeur ». Ce n’est qu’avec l’insistance de ses amis proches qu’elle acceptera, plusieurs jours après, de se faire opérer.

On essaye plusieurs fois de l’empoisonner, de la compromettre. Au gré des gouvernements et des préfets qui veulent sa peau, elle doit s’exiler à Londres, revient en France, retourne en Angleterre. Elle n’abdique jamais. Victime d’une première pneumonie, on la croit morte, elle se relève et reprend sa tournée de conférences. Quelques mois plus tard, une seconde attaque aux poumons aura raison d’elle. Elle meurt à Marseille le 9 janvier 1905. Son corps est ramené à Paris le 22 janvier et ses funérailles sont suivies par des milliers de personnes (et encadrées par la police). Elle est inhumée au cimetière de Levallois.

Ce qui est moins connu est la production littéraire de Louise Michel. Elle a écrit énormément, et de tout : de la poésie, du théâtre, des romans, des essais, des articles. Dès son adolescence, elle entame une relation épistolaire avec Victor Hugo qui durera jusqu’à la mort de celui-ci. Lorsqu’elle est prisonnière à Satory, il lui dédie un très beau poème.

Elle écrit des romans d’aventures à consonance scientifique (« La misère », « Les Microbes humains », « Le claque-dents »). Plus étrange : une thèse prétend qu’elle est l’auteure de « Vingt mille lieues sous les mers », manuscrit qu’elle aurait envoyé à Jules Verne qui en aurait repris les inventions (le Nautilus, etc.) pour l’adapter à sa sauce. Cette thèse a été écrite par Hem Day (un autre anarchiste) et on en trouve encore quelques exemplaires sur les sites de vieux livres… Bref, Louise Michel, malgré la laideur de son visage, fut une belle personne au regard franc, loyal et, paraît-il, charmeur. Elle resta vierge, dit-on, même si on lui prêta une liaison avec Charlotte Vauvelle qui fut sa compagne les dernières années de sa vie. Mais c’est une autre histoire et cela ne nous regarde pas…

Louise Michel à Nouméa
jllb