Le manifeste des 343

Le manifeste des 343

Le manifeste des 343
Histoire d’un combat
Laffitte/Strag/Duphot

Éditions Marabulles

J’aime bien ces romans graphiques qui sont à la fois de beaux objets artistiques et qui utilisent la BD comme support historique et/ou intellectuel. Celui-ci touche à un sujet d’actualité : le droit à l’avortement. Il est acquis en France depuis 1975, mais ce fut un combat long et compliqué que nous racontent les auteurs. Le livre s’inspire de la vie de Nicole Muchnik, documentaliste au Nouvel Observateur dans les années soixante-dix et qui participa activement à la publication du fameux manifeste des 343 femmes qui avouèrent publiquement avoir eu recours à l’avortement. À leur tête, des célébrités comme Simone de Beauvoir (qui n’avait pourtant pas avorté…) Catherine Deneuve, Delphine Seyrig et d’autres. Ces noms fameux servaient de protection à toutes les autres signatures de femmes récoltées par le MLF et qui toutes risquaient de la prison. Après sa parution, Charlie Hebdo titra « Qui a engrossé les 343 salopes du manifeste sur l’avortement ? », avec une caricature de Michel Debré avouant piteusement « C’était pour la France ». (Le gouvernement prônait une politique nataliste…)

Ce roman nous détaille les aléas de ce combat et les difficultés qu’il fallut surmonter à l’époque, dans une France où la police traquait et menaçait les médecins avorteurs et les militantes, mais aussi les avorteuses et les avortées clandestines. Près d’un million de femmes chaque année avaient recours à l’avortement clandestin…

Aujourd’hui, ce droit des femmes à disposer de leur corps est remis en question dans de nombreuses démocraties, à commencer par les États-Unis (mais aussi la Pologne et d’autres…). Cela montre à quel point rien n’est jamais définitivement acquis en matière d’avancées sociales et humaines.

Désormais, on dit « interruption volontaire de grossesse » plutôt qu’avortement. Par conviction, de nombreuses Françaises ne le pratiquent pas, mais il n’y a pas, comme en Amérique, des activistes « ProLife » qui organisent des manifestations devant les cliniques pratiquant l’avortement pour les faire fermer, qui dénoncent et poursuivent les médecins sur les réseaux sociaux et jusque dans leur vie privée. Le monde est mal barré, la France reste un petit îlot de liberté au regard de tout ce qui se trame à l’extérieur… À lire avec plaisir, car on se replonge aussi dans les années soixante-dix grâce au dessin.

jllb

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