Laura — Voyage dans le cristal

Laura — Voyage dans le cristal

Laura — Voyage dans le cristal
George Sand — 1864

Ce court roman de George Sand est un petit bijou de fantaisie et d’imagination poétique saupoudré d’esprit scientifique et de philosophie amoureuse. Il n’est pas sans rappeler « Voyage au centre de la Terre » de Jules Verne, paru peu de temps après et certains pensent que le grand Jules s’est inspiré de la belle George…

Une petite mise en situation devrait vous mettre l’eau à la bouche. L’action démarre en Allemagne dans la boutique d’un certain Alexis Hartz, naturaliste et marchand de minéraux. Le narrateur qui visite ce lieu singulier s’intéresse plus particulièrement à une pierre en forme d’œuf qu’il laisse maladroitement tomber. Elle se brise en deux. Hartz le rassure et lui explique que c’est une géode sans grande valeur, mais qu’elle recèle en son sein de très belles structures cristallines et qu’elle possède une influence magique. Au narrateur incrédule, Hartz conte alors sa propre histoire qui devient le centre du récit et comment lui-même faillit être victime du cristal.

Jeune étudiant, Alexis travaille chez son oncle, le professeur Tungsténius, conservateur du cabinet d’histoire naturelle, section de minéralogie de la ville de Fischausen. Le garçon s’ennuie et ne s’intéresse pas beaucoup à la science des pierres jusqu’au jour où il rencontre sa cousine Laura, la fille du frère de Tungsténius dont il tombe amoureux. Mais elle le snobe en lui reprochant d’être un dilettante. Aussitôt il se met à bûcher et devient tellement savant sur le sujet qu’elle le trouve cette fois trop pédant et prétentieux. Dépitée (parce qu’elle s’intéressait tout de même à lui) elle envisage d’épouser Walter, un ami géologue d’Alexis, qu’elle n’aime pas vraiment, mais qui représente une certaine forme de sécurité matérielle.

Dans le cabinet de Tungsténius, Alexis est fasciné par un cristal à l’intérieur duquel il aperçoit soudain la silhouette de Laura. Elle est superbe et lui avoue qu’elle l’aime. Elle lui demande de la rejoindre. Il plonge dans la pierre et ensemble ils découvrent un magnifique paysage minéral dans lequel ils déambulent émerveillés. Mais le rêve se brise brutalement comme la vitrine contenant la gemme sur laquelle Alexis avait trop fortement appuyé sa tête. On le soigne. Il est malade, on l’estime un peu fêlé. Il prétend que son rêve est en fait la réalité et commence à le consigner par écrit.

Arrive alors un étrange personnage, l’oncle Nausias qui se présente comme le père de Laura. Il possède un diamant aux pouvoirs magiques et il est persuadé qu’au pôle nord, il va découvrir un lieu fantastique recélant des pierres merveilleuses. Il demande à Alexis de l’accompagner dans cette expédition. Celui-ci accepte si Nausias, en contrepartie, ne donne pas son consentement au mariage de Laura et Walter.

Commence alors une expédition extraordinaire, ponctuée de rebondissements rocambolesques que George Sand développe avec force détails et descriptions. Dans leur quête, les deux hommes découvrent des paysages où la flore et la faune s’épanouissent librement. Nausias, misanthrope et écologiste avant l’heure, refusera de faire connaître ce lieu idyllique et protégé aux autres hommes qu’il accuse de détruire la nature… Lorsqu’Alexis et Nausias sont perdus ou se trouvent dans une situation difficile, Laura leur apparaît comme par magie, magnifique, et les guide sur leur chemin. Sand mêle habilement fiction et réalité, mais tout ceci n’est au final qu’un rêve que la véritable Laura finit par découvrir. Elle comprend que, dans son mirage, Alexis la sublime et l’aime passionnément. Sincèrement touchée, elle s’éprend de lui en lui expliquant que s’il l’épouse, c’est à la femme réelle, avec ses qualités et ses défauts humains qu’il aura à faire, mais non pas à l’image idéalisée qu’il s’est forgée d’elle dans son fantasme. Au final, alors que Nausias et Alexis parviennent au terme de leur équipée et découvrent ce qui peut faire leur fortune, le jeune homme renonce à ces merveilles pour se contenter de l’amour simple et sincère de Laura.

Dans ce texte, on voit que George Sand s’est réellement passionnée pour la minéralogie et ses descriptions de paysages lapidaires sont à la fois précises et poétiques. Ce livre est donc l’un des précurseurs de la littérature de Science-Fiction qui va bientôt se déverser sur le XIXe et le XXe siècles. En ce sens, c’est une petite perle littéraire qui ravira les amateurs du genre, mais aussi les admirateurs de l’œuvre de Sand.

Enfin, la moralité de l’histoire est que « l’amour-passion » nous fait idéaliser « l’autre », mais que « l’amour véritable » est celui qui nous permet d’accepter la compagne ou le compagnon dans les beautés et les disgrâces du quotidien. « Pour le meilleur et pour le pire » donc…

jllb