2030

2030
Philippe Djian
Flammarion

Mais où l’ai-je mise ? Ah, c’est ballot, j’ai beau chercher, je ne la retrouve pas. J’ai perdu la « magie Philippe Djian » ! Cet auteur que j’ai adulé à ses débuts, il y a plus de trente ans, ne me touche (presque) plus. Djian fait du Djian comme Gabin faisait du Gabin. Ce n’est pas lui qui a changé, c’est moi et je suis beaucoup moins sensible à sa prose… sauf lorsqu’il écrit les paroles des chansons de Stephan Eicher. J’ai dû vieillir sans m’en rendre compte.

J’avoue avoir raté pas mal de ses dernières parutions. En fait, j’ai cessé de lire Djian en 2005 avec sa très mauvaise (à mon goût) série « Doggy Bag ». Alors, quinze ans après, j’ai retenté ma chance avec cette fiction écolo intitulée « 2030 » inspirée par l’activisme de Greta Thunberg.

Greg, veuf ayant passé la quarantaine, travaille comme conseiller dans le laboratoire de son beau-frère Anton qui fait partie de la chaîne de production du Metrazol (un équivalent du Glyphosate). La sœur de Greg, Sylvia, épouse d’Anton, a eu deux enfants d’un premier mariage : Aude, vingt ans, en fauteuil à roulettes suite à un accident et Lucie, quatorze ans militante écologiste forcenée malgré son jeune âge. Vous voyez venir le topo ?

Lucie est la nièce préférée de Greg. Il la suit/surveille/encadre/protège dans son engagement militant. Par son intermédiaire, il rencontre la belle Véra, libraire, éditrice, divorcée et elle aussi activiste engagée de la cause écologiste. Entre Véra et Greg, le courant passe tout de suite. Mais comment lui avouer qu’il fait partie du système qu’elle dénonce ? Et que va-t-il se passer lorsqu’Anton apprendra que sa très jeune belle-fille se bat contre sa propre société ?

Six personnages, donc, et une intrigue assez light et plutôt convenue qui n’aboutit pas puisque, par exemple, l’explosion présupposée entre la petite nièce écolo et son beau-père Satan-capitaliste-salaud-de-patron-de-labo n’a pas lieu.

Tension sexuelle
Reste la tension sexuelle. Et là, Djian, c’est son truc. L’intérêt du livre n’est pas dans la fable écologique, mais dans le rapport entre le veuf quarantenaire (sa femme est morte dans un accident de voiture, et c’était tendu entre eux) et la militante divorcée, un peu cabossée par les hommes. Elle aime le sexe, mais se méfie de l’amour. Il aime le sexe, mais hésite à s’engager dans une nouvelle histoire. Entre eux deux s’instaure une amitié doublée d’une attirance dont ils se défient, mais qui est tellement chargée en phéromones qu’on se dit qu’elle peut éclater à tout moment. Je ne dévoile rien, à vous de lire si vous voulez savoir la suite…

Un peu de musique en prime
Ah, j’allais oublier. Djian place toujours des références musicales originales dans ses livres. Dans celui-ci : Bill Wells & Aidan Moffat et leur morceau « Glasgow Jubilee » et, plus loin, Michelle Gurevich. Deux voix originales. Celle de Gurevich, en particulier, est particulièrement fascinante. Écoutez son album « New Decadence » pour vous faire une idée…

jllb