Chroniques d’une Américaine à Paris

Chroniques d’une Américaine à Paris

Chroniques d’une Américaine à Paris
Janet Flanner — 1925-1939
Éditions Texto

J’ai découvert Janet Flanner grâce à sa biographie écrite par Michelle Fitoussi qui me fut offerte par une bonne amie*. Flanner a été, de 1925 à 1975 la correspondante à Paris du magazine The New Yorker (avec une petite interruption pendant la Seconde Guerre mondiale, période à laquelle elle retourna planquer ses pénates chez nos amis étasuniens).

Ayant lu sa vie, je ne pouvais pas faire moins que de lire sa prose. Je me suis donc goulûment plongé dans ses « Chroniques d’une Américaine à Paris 1925-1939 » avec une immense curiosité, d’autant que sa biographe l’encensait quant à son style d’écriture. Eh bien je n’ai pas été déçu, au contraire. Flanner manie la plume avec verve. Elle sait se montrer enjôleuse ou vacharde tour à tour, dispense parfum et venin selon son humeur, alterne caresses et coups de griffe avec maestria.

J’ai mis plus de trois jours à lire ce livre (de trois cents et quelques pages), ce qui est inhabituel pour l’insatiable papivore que je suis. D’ordinaire, je l’aurais avalé en une petite journée, mais deux facteurs ont contribué à ralentir ma progression. D’abord parce que j’ai passé une partie de mon temps ces derniers jours scotché sur CNN pour suivre l’évolution des événements en Amérique. Ensuite parce que son livre est constitué de dizaines de chroniques, petites, moyennes et longues et que pratiquement chacune m’incitait à aller chercher de l’info supplémentaire sur le Net, ralentissant de fait ma lecture.

Flanner parle de tout : les faits divers, la littérature, la peinture, la musique, la danse, la politique, les mœurs… C’est incroyablement vivant et on réalise à quel point la nature humaine a peu changé. La traduction est excellente et laisse une certaine place au langage populaire que la journaliste s’amuse à manipuler, si bien qu’on ne s’ennuie pas une seconde. Cette pipelette est d’une intelligence rare et sait tenir son lecteur en haleine. On comprend que sa chronique ait eu un tel succès. Parmi ses papiers on trouvera beaucoup de nécros écrites sans complaisance et avec réalisme. Son statut d’observatrice étrangère lui donnait un recul certain sur la France et les Français qu’elle a manifestement adorés, mais qu’elle n’a pas épargnés…

Quelques personnalités au hasard dépeintes par Flanner qui m’ont donné envie d’en savoir plus : Gertrude Stein, Claude Monet, Paul Poiret, James Joyce, La goulue, Zola, Isadora Duncan, Loie Fuller, et bien d’autres. Quelques affaires qui ont défrayé la chronique et particulièrement bien brossées par la plume de la journaliste : les sœurs Papin, Violette Nozière, l’affaire Stavisky, Germaine d’Anglemont… Bref, vous l’avez compris, c’est un must et une mine d’infos sur cette période d’entre-deux-guerres.

Il existe un second recueil en français de ses chroniques qui couvre la période 1940-1945 : « Paris est une guerre ». En revanche, les périodes 1944-1955 puis 1955-1964 n’ont pas été traduites en français et c’est bien dommage. (Un boulot pour Nathalie Mege ?)

* Merci Françoise Amadieu. Voir mon compte-rendu ici : https://jeanlouislebreton.com/?p=3071

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