Bon genre

Bon genre

Bon genre
Inès Benaroya

Ah ! La chouette bouffée d’air frais ! Après une série de livres anglo-saxons, sérieux, touffus, complexes, retour à la langue et à cet esprit français capable d’aborder avec légèreté les problèmes les plus profonds. Ce n’est pas tant que le livre d’Inès Benaroya brille par des qualités littéraires exceptionnelles, mais cette autrice est douée d’un talent certain pour raconter des histoires vivantes, dans l’air du temps, et surtout pour aborder les thèmes de la sexualité et du genre avec finesse par le biais d’un récit extrêmement touchant.

Claude est une femme qui a réussi sa vie. Très impliquée dans son travail d’assistante du directeur d’un grand groupe, elle a un peu négligé Thais, sa fille de quatorze ans née d’un premier mariage et Paul son second époux avec qui elle s’entend fort bien par ailleurs, tant sur le plan intellectuel que sexuel. Mais voilà que la machine se grippe. Une petite heure va suffire à tout remettre en cause. Elle s’accorde une pause à la terrasse d’un café. Elle voit s’installer non loin d’elle un homme qui lit. Par jeu, elle décide de l’aguicher, croisant et décroisant ses jambes pour lui laisser entrevoir sa petite culotte rouge. L’homme écrit alors un mot qu’il dépose sur sa table avant de partir sans parler : « J’aime ce que vous m’avez offert. À demain. » C’est le déclencheur.

Dès lors, tout bascule et la vie de Claude va exploser. Elle a mené le jeu de la séduction et compte bien s’y adonner à nouveau, prise d’une folle envie de baiser et de donner du plaisir à tous. Elle ne reverra pas cet homme, mais assouvira désormais toutes ses pulsions sexuelles en explorant une liberté nouvelle et en remettant en question la notion de domination. Jusqu’où peut-elle aller ? L’autrice emmène son personnage aux confins de ces domaines tant et si bien que tout finit par craquer : son travail, son mariage, ses relations familiales. On la croit perdue. On pense avoir fait le tour d’un livre sur la libération sexuelle comme la littérature nous en a souvent offert. Mais non. Tout bascule à nouveau. Claude va renaître, grâce à la rencontre totalement inattendue d’un personnage absolument extraordinaire : Ricky conductrice de poids lourd. Une sorte d’ange gouailleuse dans un corps de catcheuse qui parcourt l’Europe à bord de son semi-remorque dont elle est propriétaire et qu’elle considère comme son amant. Voilà notre héroïne embarquée dans ce camion de la liberté pour un périple initiatique et vivifiant à la recherche d’elle-même. Et là, le livre prend brusquement son envol et nous avec.

Ce très joli texte nous interroge habilement et avec fraîcheur sur la notion des genres et le problème de l’inégalité des sexes. Ce n’est pas un hasard si, en ouverture de seconde partie, Inès Benaroya cite un extrait du plus beau livre de Colette (à mon goût), « Le pur et l’impur » : « Je vise le véritable hermaphrodite mental. ». Je recommande chaleureusement la lecture de cet ouvrage qui m’a procuré un très grand plaisir.

jllb