Bob et Bobette

Bob et Bobette

Bob et Bobette enfant perdus
Jeanne Landre 1919

Bob et Bobette s’amusent
Francis Carco 1919

Bob bataillonnaire
Pierre Mac Orlan 1919

Bob et Bobette en ménage
André Salmon 1919

Quatre à la suite. Ce n’est pas un nouveau jeu télévisé, c’est une série de romans parus en 1919 et que je viens de lire d’affilée. L’idée était amusante : quatre auteurs amis, tous originaires de Montmartre, acceptèrent la gageure d’écrire la vie de deux personnages fictifs : Bob et Bobette. Jeanne Landre ouvrait le feu, suivie de Francis Carco, puis de Pierre Mac Orlan et d’André Salmon. Autant le dire tout de suite, tous ne se sont pas sortis avec le même brio de l’exercice.

Les deux premiers l’ont brillamment réussi. Landre et Carco nous font vivre le quotidien de ces deux mômes de la butte, tous deux enfants de putains et amis depuis le plus jeune âge. Margot, la mère de Bob est une brave fille au cœur débordant de tendresse que les duretés de la vie ont obligé à arpenter le macadam. Titine, la mère de Bobette est aigrie, violente et passe son dépit sur sa pauvre gosse qu’elle roue de coups. Si les deux mères sont tout de même amies, Bob et Bobette sont, par la force des choses, livrés le plus souvent à eux-mêmes. Ils doivent affronter la dure réalité de la rue. Bob devient un petit caïd et le protecteur de Bobette. D’aventures imprévues en coups de Trafalgar ébouriffants, ils évoluent vers l’adolescence et savent bien que leurs destins sont liés. La mort de Margot va précipiter leur entrée dans le monde des adultes. Jeanne Landre nous dépeint cette période avec tendresse, humour et en utilisant superbement l’argot parisien qui, dans la bouche de ces deux titis, prend une saveur à nulle autre pareille.

Francis Carco reprend le flambeau et nous emmène dans le quotidien des jeunes gens désormais adultes. Bob, incapable de travailler, ne peut vivre que de combines louches qui vont l’entraîner petit à petit dans le milieu des truands. Bobette, attachée à son homme le suit sans état d’âme dans ce monde où les femmes ne peuvent tirer d’argent que de leurs charmes. Cette fois encore, usant de l’argot des faubourgs, Carco nous tient par les sentiments et nous brosse le Paris d’avant la Grande Guerre avec le réalisme d’un peintre. Il entretient un sacré suspense alors que les deux héros s’enfoncent dans la noirceur de l’existence.

Les choses se gâtent dès lors que Pierre Mac Orlan prend la relève. Bob, devenu bataillonnaire en Afrique, se retrouve sur le front en France lorsque le grand conflit éclate. Mais on sent bien que c’est sa propre expérience de soldat que Mac Orlan raconte (il est encore mobilisé lorsqu’il écrit sa partie). Du coup, le personnage du Bob originel perd sa substance, et Bobette est très peu présente dans l’intrigue qui ressemble plus à un reportage de guerre qu’à un roman.

Enfin André Salmon fiche tout en l’air avec un texte à l’intrigue alambiquée, aux phrases souvent biscornues et incompréhensibles (j’ai détesté sa façon d’écrire). Il fait de Bob, réformé pour blessure, un arriviste qui cherche à faire fortune en exploitant les faiblesses de l’univers de l’art et de la littérature. Utilisant un nègre (car lui ne sait pas écrire une ligne) il devient un (faux) critique qui fait la pluie et le beau dans une certaine intelligentsia parisienne. On n’y croit pas une seconde, c’est terriblement ennuyeux et le récit a totalement perdu le charme de ses deux premiers épisodes.

Il n’empêche, l’idée était amusante. Sur le même principe, plusieurs auteurs de polar ont fait vivre « Le poulpe »…

Notez que ces « Bob et Bobette » n’ont rien à voir avec la bande dessinée belge créée par Willy Vandersteen en 1945.

jllb