Camelots du Roy

Camelots du Roy

Camelots du Roy
Jeanne Landre et comtesse Xavier d’Abzac
Louis Michaud 1911

Voici un roman épistolaire qui nous conte les chassés-croisés amoureux entre familles d’aristocrates et de bourgeois. Les ficelles sont nombreuses et s’entremêlent, il faut parfois s’accrocher pour s’y retrouver.

Le livre est aussi une critique de l’aristocratie décadente et du milieu royaliste. Jeanne Landre a fait appel à la comtesse d’Abzac pour mieux se moquer des camelots du Roi, ces jeunes extrémistes toujours prêts à en découdre pour réinstaller Philippe d’Orléans sur le trône. Ils étaient réputés pour déboulonner les statues, siffler les pièces au théâtre, insulter les agents, gifler les députés (et même le Président de la République !). Les deux autrices les caricaturent mais elles n’épargnent pas non plus les républicains au pouvoir qui sont autant raillés que les monarchistes rêvant de revanche.

La couverture du livre est assez parlante. Elle représente une couronne entourée de deux sceptres ; l’un étant la main de justice avec deux doigts levés, symbole du pouvoir royal, l’autre le poing révolutionnaire ou salut républicain. Entre les deux : des toiles d’araignée pour montrer à quel point les idéologies sous-tendues par ces symboles paraissent désuètes au duo d’écrivaines.

Il faut donc prendre ce livre pour ce qu’il est : une satire des milieux bourgeois et aristocratique. On sait que Jeanne Landre avait le cœur proche du peuple et des ouvriers, mais qu’elle n’aimait pas les socialistes de la IIIe République, coupables à ses yeux de mal gouverner la France et de profiter de leur pouvoir pour s’enrichir. Elle rêvait pourtant de liberté, d’égalité et de fraternité…

L’aspect féministe n’est pas non plus négligé dans cet ouvrage et montre comment, dans les deux milieux, les filles sont manipulées par leurs parents ou leurs proches en vue d’être mariées non pas par amour, mais pour le meilleur intérêt des familles. Enfin les hommes passent globalement pour des salauds, défenseurs de nobles causes et de grands principes moraux par devant, coureurs de jupons, abuseurs de maîtresses et manipulateurs par-derrière. Bref, une amusante tambouille qui flingue dans tous les sens.

Je ne sais trop quelle est la part d’écriture de l’une et l’autre des autrices. Sans doute se sont-elles réparti les 72 lettres qui composent ce volume. Certaines sont des petits bijoux de littérature vacharde, alambiquées à souhait et pleines d’esprit.

jllb