Accordez-moi cette valse

Accordez-moi cette valse

Accordez-moi cette valse
Zelda Fitzgerald

Zelda Sayre fait partie de ces femmes créatrices au destin tragique qui ont dû s’effacer devant leur mari. Elle était pourtant bien partie dans l’existence. Née le 24 juillet (excellente date) 1900 à Montgomery dans l’Alabama elle est issue d’une famille plutôt bourgeoise. Très belle (elle fut « Miss Alabama »), brillante et plutôt dévergondée (elle n’hésite pas à se baigner nue en public), elle enchaîne les flirts avec les garçons avant de rencontrer le lieutenant Scott Fitzgerald. Il est en garnison dans sa ville en attendant son départ pour la France en 1918. Il la séduit par son côté intello et son ambition de devenir le plus grand écrivain de sa génération. De retour aux États-Unis, il l’épouse et le jeune couple s’installe à New York. Scott connaît tout de suite le succès grâce à son premier roman : « This side of Paradise » (« L’Envers du paradis »). L’argent coule aussi vite que le champagne et les deux fêtards deviennent bientôt iconiques : ils sont jeunes, beaux, riches et ils s’aiment. Mais la situation se complique pour Zelda qui tente d’exister aux côtés de ce mari flamboyant. Elle écrit quelques articles et des nouvelles qui ne connaissent pas un grand succès. Ils voyagent et tombent tous les deux dans l’alcoolisme. Scott lui ayant fermé les portes du cinéma (elle envisageait de devenir actrice et tourna des bouts d’essai), elle tente désespérément de devenir danseuse professionnelle et travaille comme une acharnée… sans obtenir de succès. Des infidélités ont lieu des deux côtés et bientôt Zelda tombe dans la dépression. En 1930, elle est diagnostiquée schizophrène et hospitalisée en France. On pensera plus tard qu’elle était en fait bipolaire. De retour à Baltimore elle est à nouveau internée dans un hôpital chic en 1932. C’est là qu’elle écrit en six semaines « Accordez-moi cette valse ».

Un roman autobiographique
Ce roman de plus de 400 pages est une pure transposition de sa vie personnelle. Zelda est devenue « Alabama Beggs », fille du sud joyeuse et séduisante, qui épouse le beau David Knight (Scott Fitzgezrald), jeune peintre à succès. Alabama essaye vainement d’exister aux côtés de David qui prend toute la lumière. Ils flambent à New York puis voyagent en Europe. En France elle a une aventure avec un jeune pilote (ce qui est effectivement arrivé à Zelda) qui provoque une remise en cause du couple au milieu duquel leur petite fille Bonnie (Frances dans la vie réelle), que chacun d’entre eux adore à sa façon, cherche sa place. Alabama essaye de s’accomplir en sacrifiant tout pour la danse, jusqu’à ce qu’un accident vienne briser à jamais ses espoirs de carrière.

Le parallèle vie réelle/vie romancée est captivant et fait de cette fiction un livre touchant sur le plan émotionnel, même si sa construction foutraque et déséquilibrée rend, de temps à autre, la lecture embarrassante. Sur le plan littéraire, il est très intéressant, car Zelda s’embarque souvent dans des images et des phrases chaotiques, poétiques et parfois totalement dénuées de sens, mais qui donnent un charme à son écriture.

Fin de vie dramatique pour les amoureux flamboyants
Le couple Fitzgerald a vraiment brûlé la vie par tous les bouts et jeté son argent par les fenêtres. En 1925, Scott connaît l’apogée de sa carrière avec l’écriture de “Gatsby le magnifique”. En 1934, paraît “Tendre est la nuit” (qui est sur ma pile à lire), roman qui relate leur vie et dont je vous parlerai bientôt. Scott meurt brutalement d’une crise cardiaque en 1941, à 44 ans, laissant derrière lui un roman inachevé : “Le dernier nabab”. Zelda lui survivra sept ans, alternant les internements et les phases mentales moins sombres sans jamais se remettre totalement. Elle meurt tragiquement dans l’incendie de l’hôpital psychiatrique d’Ashville le 10 mars 1948, âgée de 47 ans.

jllb