Amitiés féminines

Amitiés féminines

Amitiés féminines
Georges Courteline

Ce vieux cochon de Courteline écrivait comme un seigneur et sa prose est un régal pour qui apprécie les répliques enlevées et les tournures de style savoureuses. Ce petit recueil regroupe cinq nouvelles dont la première, qui donne son titre à l’ensemble, est un condensé de vacheries sexistes et pourtant très drôles. #metoo n’existait pas encore et il était de bon ton de se moquer des femmes et de les traiter comme des êtres irresponsables, caqueteuses, un chouïa hystériques, mais tellement séduisantes… Suivons le déroulé du récit :

Acte 1
Deux hommes ont décidé de se présenter leurs maîtresses. C’est ainsi que Totote et Micheline se retrouvent face à face. « Les femmes, dit Dumas, sont ennemies ou complices ». Dans un premier temps, elles se regardent en chiennes de faïence, chacune soupçonnant l’autre de vouloir lui piquer son mec. Puis, c’est le dégel. « Totote a un air franc qui va au cœur de Micheline ; Micheline, de son côté, a un air distingué qui flatte sournoisement en Totote des instincts méconnus de grande dame. » Elles sentent germer des sympathies de caractère.

Acte 2
Visite de Micheline à Totote. Échange de confidences intimes. On s’embrasse, on pleure, on a le cœur gros, mais on partage.

Acte 3
Ce n’est plus de l’amour, c’est de la rage : elles ne peuvent plus se passer l’une de l’autre, se jettent dans les bras et décident de prendre un logement en commun.

Acte 4
L’étoile entre en décroissance. Désillusions. Totote a un sale caractère. Micheline est affligée  d’un complet manque de cœur. Petites piques, escarmouches, grondements d’orage à l’horizon.

Épilogue
Après cinq jours, ces dames sont à couteaux tirés ; elles souhaitent la mort l’une de l’autre et se lancent des poignées de boue à la figure.
— Madame vous avez voulu me prendre mon amant.
— Non, madame ! À preuve que vous avez essayé de me voler le mien.
— Je vous demande pardon.
— Vous mentez !
— Madame, je vous méprise !
— Madame, je vous dédaigne !
— Madame vous êtes une salope !
— Madame, ça fait deux avec vous !

Conclusion de Courteline :
« Ainsi dressées sur leurs ergots en des arrogances de petits coqs qui se préparent à la bataille, dialoguent Totote et Micheline, cent fois dans le vrai l’une et l’autre. Elles sont, en effet, deux salopes, ça ne fait de doute pour personne ; et elles sont également deux oies, car il leur a fallu cinq jours pour se convaincre d’une vérité qui crevait les yeux à tout le monde ».

Du pur Georges Courteline. Heureusement, les temps ont changé.

jllb

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