Ce que je ne veux pas savoir
Déborah Lévy
Editions du sous-sol
Livre acheté dans une petite librairie féministe de La Rochelle (« Les Saisons »), à la fois sur le titre et sur la recommandation de la libraire qui ne doit pas se souvenir de moi, car j’étais masqué jusqu’aux sourcils.
Je n’avais jamais entendu parler de Deborah Levy. J’ai donc fait un tour sur sa fiche Wikipédia. Née le 6 août 1959 en Afrique du Sud (p’tite jeune, va !) elle est une romancière, dramaturge et poétesse britannique. Manifestement, elle est connue de l’autre côté du Channel. Ses pièces ont été mises en scène par la Royal Shakespeare Company, et elle a reçu plusieurs prix littéraires.
Retour au livre. Dans cette (assez courte) autobiographie (136 pages) en 4 parties, elle revient sur sa jeunesse. Elle parle d’abord d’un voyage récent en solitaire à Majorque, histoire de se ressourcer, mais aussi d’aborder le thème du féminisme. Et, franchement, je n’accroche pas trop (mais attendez un peu). Je trouve ça un poil verbeux et intello. Voici un extrait pour vous donner une idée : « Être mère aujourd’hui nous confronterait aux survivances du sentiment religieux. [] La Mère était la femme que le monde entier avait imaginée à mort. Il était très difficile de renégocier le fantasme nostalgique qu’avait le monde sur le but de nos existences. »… Outch…
Là, je manque lâcher l’affaire. Bien que mon ego — et tous mes proches vous diront qu’il est assez développé — en prenne un coup, j’admets que Deborah Levy est d’une intelligence supérieure à la mienne et j’ai du mal à suivre. Mais je m’obstine à grimper le récit. (J’ai l’impression d’être un peu influencé par le Tour de France en écrivant ces lignes).
Et puis, soudain, arrivé en haut de la côte, la seconde partie qui raconte sa jeunesse en Afrique du Sud m’apparaît comme lumineuse et tout à fait à ma portée. C’est sensible, terriblement émouvant, surtout lorsqu’on apprend que son père, militant de l’ANC, a passé cinq ans de prison et de tortures dans les geôles des fous de l’apartheid. Elle n’était qu’une petite fille, mais elle a très bien compris et le raconte avec délicatesse. C’est d’ailleurs cette période qui justifie le titre du livre : « Elle ne veut pas savoir », elle veut oublier ce qui s’est passé. Mais en réalité pas vraiment puisqu’elle le raconte…
Dès la libération du père, la famille s’exile en Angleterre (3e partie) où Deborah va suivre des études et cultiver son envie de devenir écrivaine jusqu’à l’éclosion de son art.
La dernière partie (9 pages) en forme de conclusion nous ramène à Majorque.
Au final, j’ai été secoué par le destin de cette femme, par son rapport à l’écriture et par son extrême sensibilité (elle pleure sans raison dans les escalators du métro londonien). Bref, un bon point pour la libraire de la Rochelle.