Colette et les siennes
Dominique Bona
Grasset
En ce moment, je me préserve du temps pour lire, mais je n’en ai pas assez pour faire tous les comptes-rendus de mes lectures. Je vous ai épargné quelques notules, car je suis absorbé par plusieurs tâches prenantes, dont l’enquête sur « l’affaire Henri Lucenay » qui avance à grands pas.
Toutefois, je viens vous dire deux mots sur ce très bon livre de Dominique Bona : « Colette et les siennes ». Les ouvrages sur Colette ne manquent pas, mais la sympathique académicienne Dominique Bona a trouvé un angle original pour son récit. Elle s’est attachée à nous présenter l’amitié forte et singulière qui a uni quatre femmes au tout début de la Grande Guerre : l’écrivaine Colette, la comédienne Marguerite Moreno, la journaliste Annie de Pène et la jeune Musidora déjà actrice de cinéma muet pour la Gaumont (et vedette du film Irma Vep, anagramme de « vampire » où elle apparaissait en combinaison noire moulante et sexy).
Les hommes étant partis à la guerre, ces quatre femmes se retrouvaient souvent dans un petit chalet à l’orée du bois de Boulogne appartenant à Henry de Jouvenel, époux de Colette, qui lui en avait laissé les clés. Ce lieu lui servait de garçonnière avant sa liaison avec Colette… Elle le rebaptisa « le phalanstère » pour témoigner de cette communauté de femmes qui s’était formée de façon impromptue.
Dominique Bona nous décrit dans le détail leurs amitiés, leurs amours et surtout la façon dont chacune d’entre elles avait décidé de vivre librement et pleinement son destin. Douloureux cependant pour Marguerite Moreno qui perdit plusieurs membres de sa famille et dont la carrière fut ballottée entre la tradition du théâtre et la légèreté du cinéma, tragique pour Annie de Pène qui fut foudroyée par la grippe espagnole en 1918, houleux pour Musidora, la plus jeune (les autres avaient une quarantaine d’années à l’époque) qui vécut sans entraves et se brûla les ailes aux réalités cruelles du grand écran qui faisait ses premières armes.
Seule Colette traversa à peu près sans encombre cette rude période, portée qu’elle était par l’amour de son mari, Jouvenel, qu’elle appelait « Sidi » et qu’elle s’arrangeait pour rejoindre sur le front de Verdun. Les femmes y étaient interdites, pour ne pas casser le moral des troupes, mais elle s’était arrangée pour qu’il puisse la retrouver dans une maison d’amis où elle se cachait. Et donc pour vivre avec lui des nuits torrides sous le bruit de la mitraille. (Colette avait du tempérament…)
On lit ce livre comme on regarderait un feuilleton. L’autrice sait nous émouvoir souvent et nous intéresser toujours. Et puis il est magistralement documenté sans jamais être un pensum. Bref, j’ai aimé.