Flipette & Vénère

Flipette & Vénère

Flipette & Vénère
Lucrèce Andreae
Éditions Delcourt/Encrages

De temps à autre je sors de ce 19e siècle littéraire qui occupe tant de mes heures de lecture en ce moment et je plonge un doigt de pied frileux dans la production de notre époque. Souvent ça me déçoit, pas toujours tout de même, et puis des fois ça me touche vraiment. C’est le cas de « Flipette & Vénère », un roman graphique de Lucrèce Andreae (340 pages de dessin, excusez du peu, c’est plus long à lire que le dernier Lucky Luke).

Voici l’histoire de deux frangines fâchées depuis quelques années et que leur mère, malade et cancéreuse tente de rapprocher. Clara, photographe, est passionnée par l’art et vit en province. Elle s’interroge sur le monde, sur son travail et vit avec des doutes et des craintes : c’est Flipette. Axelle, coupée de sa famille, milite dans une association à Paris et se bat avec une bande de déshérités de la société contre l’injustice et la misère. Elle est en colère contre toute la terre : c’est Vénère.

Accident de scooter, Axelle se retrouve avec une jambe dans le plâtre. Sa mère ayant eu vent de l’événement demande à Clara de venir l’aider. Celle-ci débarque sans prévenir dans l’univers de sa sœur et découvre un monde qu’elle ne connaît pas. Le tonnerre gronde et la tempête éclate rapidement entre les deux filles. Axelle dure et cassante, sûre d’elle-même et de ses combats, traite Clara de petite bourgeoise planquée. Des flèches qui font mouche. Clara se remet en question, s’implique à son tour à sa façon et entreprend même un travail photographique sur l’association. Mais elle est accusée de vouloir faire de l’art Bourgeois avec la misère des autres. Comment va-t-elle s’en sortir et de quelle façon évolueront les relations des deux sœurs que tout sépare sauf l’amour ? C’est tout le talent de Lucrèce Andreae de montrer le trouble de cette génération qui oscille entre obstination, résignation et remise en question. En traitant le problème via la relation de sororité des deux femmes elle apporte une vision à la fois crue et émouvante. Le langage est dur, les dialogues forts et les protagonistes très attachantes. On referme le livre en se posant des questions sur soi-même. Comment vivre heureux dans un monde sauvage dont on ne peut porter toute la misère sur ses épaules et dont on ne peut pas non plus résoudre tous les problèmes ? L’important c’est d’essayer. Chacun à sa façon. Ce sont les tentatives qui comptent.

Le roman graphique, compromis intéressant entre le roman, la BD et le dessin animé est un vecteur d’émotions qui peut aboutir à de belles œuvres. Ce livre en est un parfait exemple. Je le recommande.

jllb

2 commentaires

Nathalie Publié le19 h 49 min - 9 mars 2020

Ça donne envie de le lire. ..mon papa me disait et me dit encore souvent que je ne peux pas porter toute la misère du monde sur mes épaules. ..si chacun.e faisait un peu.. un pas.. un geste..un sourire.. une révolte…il y a plein de façons de lutter contre l’injustice la grande celle du pouvoir en place et les petites.. celles de tous les jours…ne détournons pas les yeux..

    jllb Publié le21 h 06 min - 9 mars 2020

    Tu serais plus Vénère que Flipette, c’est sûr…

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