Fromont Jeune et Risler Ainé
Alphonse Daudet
Je n’avais lu d’Alphonse Daudet que « Les lettres de mon moulin », et encore j’étais très jeune et certainement pas le livre en entier, mais des extraits à l’école. Du coup, j’avais l’image d’un auteur un peu niais écrivant principalement à destination des jeunes. On se fait parfois de fausses idées et, en ce qui concerne Alphonse, je me suis embabouiné jusqu’à la troisième capucine : Daudet est un magnifique écrivain qui n’a pas son pareil pour exprimer les subtilités relationnelles et psychologiques des personnages qu’il met en scène. On a la juste impression de se promener dans leur tête, de partager leurs intimes convictions, leurs sentiments profonds, mais aussi leurs pensées les plus machiavéliques. Il fait de nous des voyeurs des âmes. Et donc, on se régale.
Je remercie le hasard qui a mis sur ma route ce livre intitulé « Fromont Jeune et Risler Aîné » : un titre qui n’a rien pour faire rêver et dont je tournai la première page en me disant : « j’ai la sensation que je vais m’emmerder et il y en 385 à lire ». Eh bien non. Une fois de plus je me berlurai. Car ce gredin de Daudet m’a très rapidement emporté, devrais-je dire « ensorcelé », par sa belle écriture et son sens raffiné du récit. Un talent qui vous entraîne de chapitre en chapitre, tirant la langue pour savoir la suite et chassant le démon du sommeil qui s’immisce en vous.
Un petit pitch de ce roman. Il s’architecture autour de quatre familles et d’une fabrique de papier peint à Paris. Trois de ces familles vivent dans le même immeuble : les Chèbe, les Risler et les Delobel. La quatrième famille, les Fromont, propriétaire de la fabrique qui se trouve juste en face, vit au-dessus de l’usine.
La famille Chèbe : le père est un velléitaire autocentré qui pense toujours pouvoir créer un commerce, mais n’arrive jamais à rien. La mère est une maniaque de la propreté. La fille, la très belle Sidonie, rêve de richesse et d’une belle vie.
Les Risler : ce sont deux frères arrivés de Suisse. L’aîné travaille à la fabrique des Fromont et vient d’y être nommé associé grâce à son talent et sa puissance de travail. Le cadet, Frantz, est encore très jeune et continue ses études.
Les Delobel : le père est un comédien raté qui s’imagine toujours pouvoir décrocher un rôle, mais n’obtient jamais rien. Sa femme et sa fille Désirée (belle, mais boiteuse) triment comme plumassières pour faire manger la famille.
Les Fromont enfin : le père a créé la fabrique de papier peint, mais il est mort. C’est son fils Georges, « Fromont jeune » qui vient d’hériter. Volage et sans personnalité il s’appuie sur Risler. Sa jolie cousine, Claire Gardinois lui est promise en mariage.
Les personnages étant posés, l’histoire peut démarrer. Je vous en donne un aperçu. Sidonie, amie d’enfance de Claire, mais jalouse d’elle, aimerait épouser Georges Fromont et s’élever dans l’échelle sociale. Bien que très sensible à sa beauté, Georges se range aux conseils de sa famille et se marie avec la gentille Claire. Sidonie se rabat alors sur Risler Ainé, beaucoup plus âgé qu’elle, mais qui est riche depuis qu’il est devenu l’associé de la fabrique. Sidonie a atteint la moitié de son but. Elle n’a plus qu’une idée en tête : prendre Georges pour amant.
De son côté, le jeune Frantz aime Sidonie et se sent trahi par elle. Quant à Désirée, elle est secrètement amoureuse de Frantz.
On voit bien vite que le personnage central du récit entrelacé est l’ambitieuse Sidonie. Nous suivons avec passion son ascension, son triomphe, sa chute et sa vengeance… C’est goûteux, je n’en dis pas plus !
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