Dans la série femmes extraordinaires, aujourd’hui :
Irène Némirovsky (1903-1942), romancière russe née à Kiev et ayant vécu en
Suède et en France avant d’être déportée et de mourir du typhus à Auschwitz en
1942.
Elle me touche particulièrement et plusieurs liens immatériels m’unissent à
elle : j’ai travaillé plusieurs années avec sa fille Élisabeth (qui
dirigeait la collection « Présence du Futur » chez Denoël, pour laquelle
j’étais lecteur) puis avec son petit fils Fabrice Gille, nous avons créé dans
les années 80 la société d’édition de jeux informatiques Froggy Software. Élisabeth
aura marqué ma vie par sa personnalité, les discussions que nous avions sur la
littérature en général et sur la science-fiction en particulier dont j’étais
grand fan. Quant à Fabrice, exilé aux États-Unis depuis de nombreuses années,
spécialiste de l’informatique, il est resté mon ami et nous échangeons
régulièrement sur Facebook. (J’ai également une petite pensée pour Marianne, la
fille cadette d’Élisabeth que j’aime beaucoup).
Il m’a fallu du temps avant de me plonger dans la lecture des
livres d’Irène. Nous avions peu parlé de sa mère avec Élisabeth, pas beaucoup
non plus avec Fabrice. La plupart du temps pour évoquer le fait qu’elle était
fille de banquier et que, fuyant la révolution russe, son père avait mis à
l’abri une importante quantité d’or en suède que la famille ne put jamais
récupérer…
Et puis si Irène avait connu de jolis succès de librairie dans les années
trente, le monde littéraire l’avait oubliée après la guerre. Il faut attendre
les années 2000 pour la voir revenir sur le devant de la scène d’une façon
extraordinaire. Ses deux filles, Denise et Élisabeth avaient échappé à
l’arrestation de leur mère en juillet 42. Cachées chez des amis, puis dans une
institution religieuse catholique elles survécurent. Denise avait 13 ans, Élisabeth
5 ans. Les deux filles avaient conservé un cahier de leur mère dans laquelle
elle entamait une série de cinq romans baptisée Suite Française (elle
n’écrivit finalement que les deux premiers…). Denise en avait la garde, mais ce
n’est qu’après le décès d’Élisabeth en 1996 qu’elle se décida à lire ce
manuscrit et à le faire publier par Denoël avec le succès que l’on sait :
prix Renaudot à titre posthume en 2004, puis adaptation au cinéma.
Récemment, dans un vide grenier, je suis tombé sur « Le pion sur
l’échiquier », roman d’Irène paru en 1933. J’avais d’autres livres d’elle à la
maison, mais je ne les avais pas ouverts, je n’étais pas mûr. Cette fois, ce
fut le déclic. J’ai dévoré d’une traite cette histoire qui décrit la vacuité
d’un personnage qui n’attend rien de la vie. L’écriture est légère, rythmée en
chapitres courts, ponctuée des réflexions intérieures des différents
personnages présentées comme des dialogues intérieurs : ils se parlent à
eux-mêmes pour constater le ratage de leur vie. On attend une révolte, un
sursaut, et cette attente crée tout le suspense du livre…
Dans la foulée, je viens d’attaquer la lecture d’un autre roman paru en 1935 « Le
vin de solitude ». Il est présenté comme le livre le plus autobiographique
d’Irène Némirovsky… à suivre, je vous en reparlerai.
Je vous invite à lire sa fiche Wikipédia qui est très complète et qui vous
décrira dans le détail le parcours de vie de cette jeune femme, morte à 39 ans,
qui fut une étoile brillante de la vie parisienne avant-guerre, que les
horreurs du régime nazi ont éteinte au début de sa gloire.
Je joins à ce texte quelques photos émouvantes.