Janus
Le silence de la cité
Élisabeth Vonarburg
Je suis un lecteur faillible et je vais m’en expliquer. Il y a de cela quelques semaines, je fais la connaissance via Facebook d’Élisabeth Vonarburg, autrice de Science-Fiction. Elle a commencé à publier dans les années quatre-vingt, en particulier dans la collection Présence du Futur (Denoël) pour laquelle je travaillais comme lecteur. Hasard du destin, nous ne nous sommes jamais croisés et je n’avais rien lu d’elle. Je voulais combler cette lacune car Élisabeth a été l’une des pionnières de la SF française. (Elle est née en France avant de s’installer au Québec en 1973). Et puis ses posts sur Facebook sont marrants et intéressants. J’ai cherché des livres d’elle sur eBay en édition originale : j’aime bien lire les livres dans leur état premier. J’ai trouvé deux titres : un recueil de nouvelles (Janus) et un roman (Le silence de la cité).
Maintenant, je vais attaquer dans la métaphore pour vous dire ce que j’en ai pensé. Vous connaissez les jeux qu’on donne aux bébés : des cubes et des cylindres qu’ils doivent faire entrer dans des carrés et des ronds pour développer leur sens logique. Eh bien (et je vous conjure de n’y voir aucune allusion sexuelle) mon cube ne rentre pas dans le carré de la littérature d’Élisabeth. Je dois donc vous donner quelques explications.
L’écriture d’Élisabeth est fouillée, poétique, onirique et surtout circonvoluée. C’est-à-dire qu’elle tourne autour d’un thème en démarrant par un lointain extérieur avant de se rapprocher du centre. En clair (et peut-être que ça ne concerne que moi), il faut lire un bon paquet de pages avant de savoir de quoi elle nous parle. Elle dessine un décor, plante des personnages, nous fait part de leurs pensées, rédige peu de dialogues et il faut parcourir un assez long chemin avant de comprendre où l’on va. C’est évidemment une volonté de l’autrice. Elle nous invite à lâcher prise et à nous laisser emporter par son écriture. Mais mon esprit cartésien se rebiffe : j’ai besoin d’être dans le dur tout de suite, qu’on m’explique où l’on est, à qui on a affaire et ce qui ne va pas tarder à se passer.
J’ai lu les deux premières nouvelles de Janus, « L’oiseau de cendres » et « Thalassa ». La première est l’histoire d’un artiste atteint d’un mal incurable qui rejoint une tribu (humains ? Aliens ? On ne sait pas) auprès desquels il va organiser son suicide. Je n’ai pas compris grand-chose à la seconde. Peut-être ceci : des humains quittent la Terre dont ils ont épuisé les ressources pour coloniser une planète où les autochtones vivant en harmonie avec l’eau s’inquiètent de ce qui va leur arriver. Et, au bout de dix pages de la troisième nouvelle, j’ai refermé le livre. Je n’y arrivais plus. Mon cube se coinçait dans un rond. J’ai ensuite essayé avec le roman et cela m’a fait le même effet. Je suis donc un lecteur faillible : je n’ai pas réussi à aller au bout de ces lectures.
Mais attention ! Ne pas en déduire que l’œuvre d’Élisabeth Vonarburg n’est pas de qualité. Elle a été largement primée et récompensée, ce qui prouve que de très nombreux lecteurs sont sensibles à son écriture. En tout cas, une chose est certaine : elle sort des sentiers battus.
Mais pour moi qui baigne actuellement dans la littérature du XIXe siècle, ce saut à pieds joints dans la SF des années quatre-vingt a été un choc qui m’a secoué le caberlot et j’en sors avec la tête légèrement fêlée. Pour vous qui me lisez, le mieux est de vous faire votre idée vous-même…