Je chemine avec Hubert Reeves
Entretiens menés par Sophie Lhuillier
Intéressant ce petit livre d’entretiens avec Hubert Reeves. D’autant que j’ai eu la chance, à la fin des années quatre-vingt, d’aller passer une journée chez lui, dans sa propriété de Malicorne en Bourgogne. J’en ai gardé le souvenir d’un homme passionné et passionnant, curieux de tout et de la nature en particulier (il possède un très bel arboretum).
Dans cet opus, j’ai donc retrouvé Hubert Reeves qui se livre complètement lors de ces conversations bienveillantes, mais qui ne font l’impasse sur aucun sujet.
De son enfance au Canada, on retiendra un père autoritaire, mais
juste, une mère stricte dont il était le préféré et la volonté de ces parents
peu riches de donner une belle éducation à leurs enfants. On va à la messe le
dimanche, on est assidu à l’école en semaine. Hubert ne fait pas d’étincelles,
mais un ami des parents fou de nature (on comprend qu’il s’agit d’un ex-fiancé
de sa mère) devenu curé (par dépit amoureux ?) l’initie à la science et à l’observation
des étoiles. C’est parti : petit Hubert deviendra grand savant ! Études de
physique, université canadienne puis Cornell aux États-Unis. Il explique très
bien les différences entre les systèmes d’enseignement américains et européens
et montre les avantages et inconvénients des uns et des autres. Il raconte les
ambitions et les coups de vache que les chercheurs se font entre eux et bat sa
coulpe pour avoir été pris dans cette tourmente.
Dans les années soixante, le Canada vit une grande et calme révolution avec
la déclaration de la liberté de parole et de la liberté de religion. En clair
une forme de laïcité qui écarte petit à petit l’institution religieuse des
instances politiques. En tout cas, Hubert et son épouse (avec laquelle il aura
4 enfants) cessent d’aller à la messe…
La famille voyage beaucoup. Son travail de chercheur porte sur la physique nucléaire et la compréhension de la formation de la matière dans les étoiles. Il donne des conférences et prend un grand plaisir à enseigner. À cette époque, il s’engage à fond pour le nucléaire, persuadé que cette énergie va apporter le bonheur à tous. L’accident de Tchernobyl et la rencontre avec des militants engagés vont le faire basculer dans l’autre camp. Il est désormais l’un des ardents défenseurs de l’écologie et a renoncé au nucléaire. Il préside l’association « Humanité et Biodiversité ».
Les années quatre-vingt et la publication de « Patience dans l’Azur », son premier grand livre, vont bouleverser sa vie. Il débarque sur le plateau de Bernard Pivot et marque les esprits par son allure, son accent, son étonnante faculté à vulgariser. Le succès ne se démentira jamais. Avec lui viennent l’argent et la grosse tête. Il saura se remettre en cause, en particulier grâce à sa seconde femme Camille (la première est partie vivre sa vie au moment de la révolution féministe des années soixante-dix…).
Hubert Reeves parle sans détour de sa famille, du temps qu’il n’a pas consacré à ses enfants et de ses regrets. Pour combler ce manque, ils ont tous participé à une « thérapie familiale » (chose peu pratiquée en France) qui a permis de réparer une partie des dégâts. C’est honnête de sa part de se confier sur ce sujet. Son dernier enfant, Gilles Reeves (un ex-collègue de ma compagne Caroline… ce qui explique notre présence à Malicorne) est un surdoué de l’informatique atteint du syndrome d’Asperger : une forme d’autisme associé à de brillantes performances. Il gère aujourd’hui le site internet d’Hubert.
Reeves est né en 1932. À 87 ans, il a suffisamment de sagesse pour ne pas se voiler les yeux sur lui-même et sur le monde. C’est plutôt rare.
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