La vengeance m’appartient

La vengeance m’appartient

La vengeance m’appartient
Marie Ndiaye
Gallimard

Je ne vais pas tourner autour du pot et dire tout de suite ce que je pense du livre de Marie Ndiaye : il est très mauvais. J’ai même refermé la dernière page en sautant du canapé et en m’écriant « c’est nul ! », furieux d’avoir dépensé 19,50 €. Pourquoi tant de colère, me direz-vous ? Et je veux bien condescendre à m’expliquer parce que j’imagine que tout ce qui m’a déplu dans cet ouvrage est peut-être ce qui plaît à d’autres.

Commençons par le début. J’entends une interview de Marie Ndiyaie par Léa Salamé un matin sur France-Inter. Elle vient faire la promotion de son nouveau roman dont le sujet est dévoilé, je vous le raconte. Une avocate, Maître Susane (dont on ne saura jamais le prénom et qui n’apparaît que sous l’abréviation : « Me Susane ») reçoit un jour la visite d’un client qui lui demande de prendre la défense de son épouse. Celle-ci a été emprisonnée pour avoir tué leurs trois enfants. La démarche du père est déjà surprenante, mais une autre histoire vient se greffer sur la première. L’avocate croit reconnaître dans ce client un garçon qu’elle a connu quand elle avait dix ans et qui… et qui « quoi » ? L’autrice ne le dit pas, mais laissera planer le doute tout au long du récit sur le fait qu’il aurait violé la petite.

J’ai trouvé ce début d’intrigue suffisamment accrocheur pour en savoir plus. Eh bien j’ai été amèrement déçu pour les raisons que je vais énumérer ici.

1) Je n’aime pas la façon d’écrire de Marie Ndiaye. Elle use et abuse du principe qui consiste à placer le sujet derrière le verbe, ce qui rend la lecture très désagréable. Quelques exemples : « … la réveilla cette nuit-là une question qui ne cesserait de la tracasser », « Lui apparut l’image de la gracile Sharon », « La rassurait cependant l’intime conviction… », etc.

2) La plupart des dialogues sonnent si faux que mon oreille de lecteur en était écorchée. Ainsi l’héroïne principale, Maître Susane s’adresse à sa mère pour lui parler de son client : « Ce garçon, maman, c’est l’enkystement d’une pure joie ! ». Pire encore, les deux longs monologues (voir photo) tenus, l’un par la femme meurtrière, l’autre par son mari lors de leurs entretiens avec l’avocate. Celui de la femme court sur une dizaine de pages et il est constitué de phrases qui commencent toutes par « Mais… » (rapidement insupportable). Celui du mari, un peu moins long, mais tout aussi rasoir est bâti avec des phrases commençant toutes par « Car Maître… »

3) Marie Ndiyaie donne dans le pompeux inutile parfois, alourdissant son propos : « Me Susane les avait soustraits à son orbe délétère » ou « Ce qu’il inspectait de son œil rancuneux… »

4) Certaines tournures de style frisent le ridicule : « Sa figure s’était alors échauffée sous l’effet d’un léger embarras, comme si, assurée d’être sincère, elle découvrait en le disant qu’elle ne l’était pas tout à fait sans néanmoins savoir comment elle était peut-être insincère, sans même parler du pourquoi… »

5) Le texte est écrit (presque) d’un seul tenant et constitué d’un chapitre de 190 pages, puis d’un second de 41 pages et d’un épilogue de 2 pages. Autrement dit, aucune respiration pour le lecteur. (Philippe Djian a fait de même dans son dernier roman et c’est très pénible lorsque les auteurs ne nous accordent aucune pause).

6) Le récit est totalement alambiqué, mêlant à la fois le drame familial, les relations de l’avocate avec sa femme de ménage mauricienne en situation irrégulière, les tensions avec ses parents et les déboires de sa vie amoureuse.

7) Le final qui n’en est pas un, s’achève en une sorte de pirouette pour se délivrer de l’écheveau alambiqué qu’elle a elle-même emmêlé. Peut-être qu’après tout cela, ou à cause de tout cela, certains d’entre vous auront toujours envie de lire ce roman et de suivre les conseils de Léa Salamé qui lui a trouvé « Une écriture singulière, pleine, magnétique… ». Merci Léa.

Mais, mais, mais, mêêê…
jllb