La virginité
de Mademoiselle Thulette
Jeanne Marais – Willy
1918
Jeanne Marais avait besoin d’argent et elle a accepté d’écrire ce livre en collaboration avec Willy, pensant que d’accoler son nom à celui du célèbre journaliste (prétendument auteur des « Claudine », titres qui avaient fait un carton) lui apporterait de généreux subsides. Il n’en fut rien et, malgré son titre provocateur, « La virginité de Mademoiselle Thulette » ne connut pas le succès des romans de Colette. La collaboration avec Willy s’arrêta là et, l’année suivante, Jeanne Marais se donnait la mort par le gaz à l’âge de 31 ans.
Comme toujours dans les collaborations avec Willy, c’est l’autre qui écrit le roman. Willy le relit, le commente, l’assaisonne à sa sauce et le truffe de calembours plus ou moins graveleux et de citations latines. C’est encore le cas avec ce roman sauf que l’humour latino-potache du journaliste ne colle pas du tout avec l’écriture finement psychologique de Jeanne Marais.
Fanny Thulette est la fille d’un hôtelier qui possède un établissement de luxe à Monaco. Celui-ci ne s’est pas préoccupé de l’éducation de sa fille qui s’est rapidement mise au parfum des « choses de la vie » sans jamais toutefois passer à l’acte. Cependant sa beauté, son esprit, ses succès d’apparence lui ont forgé la réputation d’une solide courtisane qui aurait mis dans son lit toutes les célébrités passées par l’hôtel de son père.
Mais voilà que l’histoire se complique. Elle tombe follement amoureuse du comte norvégien Edouard Kolig, jeune homme riche et très beau qui n’est attiré que par les femmes d’expérience et néglige la jeune oie blanche, une certaine Thérèse, qu’on veut lui coller dans les pattes comme fiancée. Edouard ne rêve que de mettre Fanny dans son lit et il est prêt, pour cela, à l’épouser. Mais Fanny ne sait comment lui avouer que, sous ce vernis de courtisane, elle est plus vierge que la Pucelle d’Orléans et totalement inexpérimentée au lit. Et ce n’est pas la lecture du Kama Soutra à laquelle elle s’adonne qui résout son problème. Elle doit aussi faire face à la mère de Thérèse qui a décidé de déniaiser sa fille pour la jeter coûte que coûte dans les bras du comte. Laquelle des deux va l’emporter ?
On retrouve dans ce roman les obsessions et les regrets de Lucienne Marfaing (Jeanne Marais), femme très intelligente formée au cynisme par Jean Lorrain et qui, vraisemblablement, mourut vierge parce qu’elle avait tout sacrifié à la littérature. Ce qu’elle regretta amèrement et fut sans doute la cause principale de son suicide.
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