Le geste de Phryné

Le geste de Phryné

Le geste de Phryné
Maurice Dekobra
1930

Passé les premières 40 pages que Maurice Dekobra consacre à « La pudeur considérée comme un des Beaux-arts » et qui s’avèrent plutôt barbantes (hormis le passage contant l’histoire de Phryné, la belle courtisane accusée de luxure et que son avocat dénuda devant ses juges pour montrer à quel point sa beauté était divine et sacrée), le reste est un ensemble de petites nouvelles assez jouissives sur le thème des amours exotiques. On voyage principalement en Europe (amours berlinoises, viennoises, hongroises, napolitaines, scandinaves, néerlandaises, britanniques et slaves), mais aussi en Égypte et en Amérique. Certaines sont excellentes, souvent coquines (ah ! la fameuse « frau Mazzoch », experte en gentillesses sexuelles diaboliques), d’autres plus plates, mais comme elles sont toutes courtes, on n’a jamais le temps de s’ennuyer. Et puis, Maurice Dekobra, grand voyageur devant l’Éternel, a du style et du vocabulaire. Extrait :

« Ralph et moi, nous avions dîné à la table de Muriel. Elle avait fait une entrée théâtrale dans la salle à manger du paquebot. Trois sautoirs de perles d’un orient unique tournaient autour de son cou gracile et tombaient en cascade irisée sur la pâleur éburnéenne de sa robe. Un serre-tête composé de saphirs et de brillants alternés emprisonnait ses boucles rebelles et une cataracte de bracelets moulait la fragilité de ses poignets. »

La (première) classe, non ? Et pour ceux qui se demandent ce que signifie « éburnéenne », il s’agit d’un adjectif qui qualifie la couleur ou la consistance de l’ivoire.

J’ajoute une remarque à propos de Dekobra. Ce recueil est paru en 1930 et il contient une nouvelle intitulée « Un drame passionnel ». Le pitch : Simone Lecastor est accusée d’avoir tué son mari, mais grâce à une plaidoirie exemplaire, elle est acquittée. Le baron de Winterswick la contacte et lui propose de l’épouser. À la recherche de sensations nouvelles, et persuadé qu’elle est coupable, il plaît au baron de dormir à côté de celle dont il pense qu’elle peut l’étrangler chaque nuit. Quelques mois passent et il advient que le véritable assassin est découvert. Aussitôt déçu, le baron demande le divorce.

Or, en 1910, Jeanne Landre (qui était amie avec Dekobra) a publié exactement la même histoire, avec d’autres noms de personnages, dans « Contes de Montmartre et d’ailleurs » sous le titre « Le vrai crime ». Nouvelle qu’elle a reprise et délayée en 1931 pour en faire un mini roman de 80 pages publié aux éditions Rouff, toujours sous le titre « Le vrai crime ». (Il faut vraiment être zinzin comme moi pour repérer ce genre de plagiat littéraire…)

jllb