Les idéaux
Aurélie Filipetti
Fayard
Livre lu sur le conseil (avisé) de mon ami Pierre Pelot …
Aurélie Filipetti est une belle femme. Belle au sens moral du terme. (On peut aussi apprécier son allure physique, mais ce n’est pas mon propos ici). Dans ce livre présenté comme un roman, elle nous conte avec un réel talent littéraire l’histoire d’amour de deux jeunes députés que tout oppose puisqu’ils ne sont pas du même parti. Elle est issue d’un milieu simple. Lui est né avec une cuillère en argent dans la bouche. Mais tous les deux sont animés de la même ferveur idéaliste : faire quelque chose pour leur pays.
Dès lors, le récit suit deux voies parallèles : leur histoire d’amour et la confrontation de l’idéalisme avec la réalité cruelle du monde politique.
Dans l’histoire d’amour, on reconnaîtra celle qu’Aurélie Filipetti a vécue avec Arnaud Montebourg, même si les personnages n’apparaissent dans le roman que sous l’appellation de « il » ou « elle » et ne sont donc jamais nommés. Leur passion des corps (ces caresses dont elle a besoin) vient en contrepoint de leur passion pour la politique. Dans les deux cas, il est question d’engagement, de doute, de liberté, d’idéal. Ce qui nous vaut des discussions violentes, des ruptures, des incompréhensions, mais aussi des aveux (« il lui manquait »), des confidences, des instants de sincérité nue.
Pour la partie purement « politique », l’auteure nous offre de très belles pages sur sa vie de député(e), sa découverte de l’hémicycle : « même les plus cyniques ne pouvaient pas manquer d’être impressionnés par la solennité de leur charge… », « … au milieu de cette arène, elle entendait Jaurès tonnant, les voix énormes des anciens… », sa description acerbe du parisianisme et son besoin de ne jamais couper ses racines avec la province. Elle nous montre comment le pouvoir corrompt et change les hommes (Hollande, ici nommé « Le Prince », en prend pour son grade).
Très vite arrive la question de la place des femmes dans ce milieu réputé pour son machisme souvent primaire. Elle a déjà connu ça pendant ses études et elle est armée pour y faire face : « Elle en avait fait l’expérience pour la première fois à vingt ans, lorsqu’un professeur d’université lui avait mis un zéro pour l’année parce qu’elle l’avait repoussé : “vous vous êtes enfuie à la fin de mon cours comme une hirondelle”, lui avait-il écrit, alors qu’elle le fuyait comme un porc. »
La République est comme la monarchie. L’Élysée est le Palais où règne le Prince entouré de ses courtisans ; Elle tire à boulets rouges sur les jeunes branchés des nouveaux cercles politiques. On comprendra qu’il s’agit de Macron et sa bande : « Résolument modernes, assoiffés de leur propre avenir, dédaigneux du passé, sûrs d’eux, conquérants et vains ».
Puis vient l’heure de l’action politique. « Il » accepte un poste de ministre. Mais rapidement, il doit en rabattre sur ses ambitions, se perdre dans des compromissions, renoncer à une partie de ses idéaux. « Elle » lui en fait le reproche, le pousse à démissionner. Mais lorsque viendra son tour à elle d’être confrontée à la « real-politique », comment va-t-elle réagir ?
J’arrête là et vous laisse découvrir ce beau livre empreint de vérité, à la fois lumineux et sombre et qu’on referme en se disant : « heureusement qu’il reste encore quelques idéalistes en politique »…