Les massacres de Paris

Les massacres de Paris

Les massacres de Paris
Jean Cassou
Gallimard 1935

Pourquoi vous parler d’un livre que, très certainement, vous ne lirez jamais et, de surcroît, pour en dire du mal ? Parce que rien n’est jamais tout blanc ou tout noir ou écrit à l’avance. Qui sait si jamais un exemplaire ne va pas vous tomber un jour entre les mains et qu’une curiosité de bon aloi ne vous poussera pas à en tourner les pages ? D’ailleurs comment m’est-il parvenu, cet ouvrage défraîchi, aux pages jaunies dont la couverture a été recouverte d’une feuille adhésive pour en prolonger la longévité ? C’est une de mes amies qui l’a déniché dans un vide-grenier. Elle l’a acheté spécialement pour me l’offrir, sachant mon goût pour cette période de l’histoire trop longtemps occultée, mais aujourd’hui très à la mode : la Commune.

Je ne connaissais pas l’auteur, Jean Cassou, mais l’éditeur Gallimard était, a priori, un gage de qualité. Renseignement pris sur sa fiche Wikipédia, Jean Cassou est né en 1897 à Deusto, dans le Pays basque espagnol et mort à Paris en 1986. Il n’a pas connu la Commune, mais s’est illustré comme résistant pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a étudié au lycée Charlemagne, ce qui nous fait un point commun (j’y étais en 1968) et j’ai peut-être usé des chaises sur lesquelles il s’est assis… En 1936, il reçoit le prix de la Renaissance pour ce roman, « Les massacres de paris », d’où ressort selon Mme Pomaret (directrice de la revue qui organise le prix) « sa sensibilité d’artiste et de poète, sa vision colorée, émouvante et prenante ».
Je me gausse un tantinet, et vous aussi bientôt, car voici quelques extraits du roman qui vous donneront une idée de la vision colorée et émouvante du poète (!) et de son rapport romantique avec les femmes :

« Oui, peut-être un jour, dans l’obscurité, dans des circonstances fantastiques, oserais-je violer Marie-Rose, mais sans qu’elle pût me reconnaître. Ensuite, je me retrouverais près d’elle, tranquille, naturel… »

« Je n’aimais pas sa peau, trop blonde, et que piquaient au versant de sa joue de légères taches de rousseur. Je l’ai déjà dit, je n’aurais pas aimé baiser cette joue, mais j’aurais aimé y enfoncer les ongles ou les dents. J’aurais aimé battre Clémence, l’humilier, lui faire de la peine. »

« Quand je parlais à Marie-Rose, c’était sans douceur excessive, car cette douceur eut été une offense. Il y avait chez les autres femmes du petit animal que l’on traite tantôt avec des sucreries, tantôt à coups de pied. »

« J’achèverais de courber mes cousines, et surtout Clémence la hautaine, Clémence la récalcitrante, sous le joug. »

« Ce que tu demandes, lui dis-je sur un ton impitoyable, je le sais. Tu demandes à être battue. Et je vais t’administrer la fessée. »

Voilà donc le héros de ce livre, Théodore Quiche, jeune crétin inconstant, qui ne nous est rien moins qu’antipathique, et qui traverse la période de la Commune bien plus préoccupé par les femmes que par l’Histoire qui s’écrit sous ses yeux. Certes, il est tout de même embarqué par les événements et se retrouve du côté des communards, mais il aurait pu tout aussi bien être dans le camp des versaillais comme il l’avoue lui-même. Il avance au gré du vent : « C’est par frivolité que je me suis mis de la Commune, quand la Commune est arrivée… Oui, par frivolité. Porté en avant, d’un geste léger, par toutes ces femmes qui ont refusé de me suivre, que j’ai laissées s’enfuir, mais qui m’avaient abandonné quelques-unes de leurs plus encourageantes caresses… Ha ! Ha ! »
L’auteur a-t-il voulu volontairement en faire l’individu inconséquent que je décris ? Je ne le crois pas. Il est enclin à lui pardonner ses frasques de jeune homme et finit par lui faire rencontrer le grand amour, mais la sauce ne prend pas. Théodore, personnage de roman, nous laisse froids malgré ses états d’âme de gamin gâté.

Toutefois, il croise de nombreuses figures historiques bien réelles : Rossel, Ferré, Dombrowski, Vallès, Rigault. En ce sens, Jean Cassou nous fait tout de même vivre de façon réaliste et bien documentée les événements tragiques de la semaine sanglante. Mais c’est le seul intérêt de ce livre souvent verbeux, mal construit et dont il est impossible de se mettre en empathie avec le héros qui porte bien son nom : ce Théodore est une vraie Quiche.

jllb