Mes cahiers rouges au temps de la Commune

Mes cahiers rouges au temps de la Commune

Mes cahiers rouges au temps de la Commune
Maxime Vuillaume
Editions Babel

Maxime Vuillaume a 25 ans lorsqu’éclate la guerre de 1870. Il a fait de brillantes études d’ingénieur et, républicain dans l’âme, il fréquente les milieux révolutionnaires anti-impérialistes. Il publie, dans des feuilles de chou, quelques articles qui fustigent Napoléon III, surnommé « Badinguet ».

En 1871, il est à Paris lors du siège par les Prussiens puis lors de la Commune. Il dirige le 248e bataillon de la Garde nationale, ce qui lui laisse pas mal de temps libre par ailleurs. Avec deux amis, le poète Eugène Vermersch et le journaliste Alphonse Humbert, il fonde « Le Père Duchène », journal satirique et révolutionnaire calqué sur « Le Père Duchesne » créé par Jacques Hébert en 1790.

Le « Père Duchêne » est un personnage imaginaire qui dénonce dans un langage populaire et souvent ordurier les travers du pouvoir et des ennemis du peuple (les fameux « Jean Foutre »). Ses colères et diatribes sont célèbres. Elles font rire et on s’arrache les journaux dès leur parution.

La nouvelle version des trois jeunes gens connaît le même succès que son aînée et se vend comme des petits pains. L’équipe se compose en tout et pour tout des trois rédacteurs et de deux vendeurs qui écument le pavé parisien. Cette publication, qui prend fait et cause pour la Commune, leur permettra de vivre assez confortablement la période révolutionnaire. Elle comprendra 68 numéros et s’arrêtera avec la Semaine sanglante, du 21 au 28 mai 1871 qui verra l’armée versaillaise envahir Paris et massacrer les insurgés.

Pendant toute la période de 1870 à 1871, Maxime Vuillaume a pris des notes sur les événements qu’il a personnellement vécus, sur ses rencontres, ses actions, ses conversations. Plus tard il mettra ces notes en forme et les publiera à partir de 1908 (jusqu’en 1914) sous le titre « Mes cahiers rouges – souvenirs de la Commune » qui sont désormais réunis en un seul ouvrage.

Je viens de le lire avec passion parce que ce récit est très vivant et truffé d’anecdotes. En matière d’histoire de la Commune le texte qui fait référence est celui de Prosper-Olivier Lissagaray qui couvre l’ensemble des événements et se veut exhaustif. Avec Vuillaume, on vit la Commune au travers d’une seule personne qui raconte son propre destin. Le livre s’ouvre sur la description de la Semaine sanglante et comment Vuillaume l’a vécue : son arrestation, la chance qui lui a permis d’être libéré, la façon dont il se cache, les exécutions sommaires ou en masse dont il est témoin, comme au Luxembourg ou à la caserne Lobau. Avec lui, on vit au quotidien les angoisses des communards vaincus qui se cachent, qui sont aidés par certains, dénoncés par d’autres (du 29 mai au 13 juin 1871, il y a eu 379 823 dénonciations auprès de la police de Paris. Beaucoup ont profité de l’occasion pour se débarrasser d’un voisin, d’un ennemi, d’un rival…)

Puis retour en arrière (le livre ne suit aucun fil chronologique, mais on s’en fiche, tout ce qui est raconté est intéressant). On assiste à la création du « Père Duchène », à son impact sur la population et au fait qu’il ouvre toutes les portes à ses rédacteurs. Ainsi Vuillaume va-t-il rencontrer les personnages principaux et secondaires qui ont fait la Commune et nous donner de chacun d’eux un portrait criant de vérité.

Enfin c’est la fuite, l’exil. Là encore, on suit l’auteur pas à pas dans le long et dangereux périple qui va le mener en Suisse en passant par le Jura.

Grâce à ses diplômes, Vuillaume trouvera facilement du travail en Suisse. Il participera comme ingénieur puis comme directeur à la percée du premier tunnel ferroviaire du Saint-Gothard. Rentré en France après l’amnistie, il reprend ses activités de journaliste et collaborera à plusieurs journaux dont l’Aurore et finira sa vie, seul et pauvre dans une pension de Neuilly-sur-Seine à l’âge de 81 ans.

Maxime Vuillaume
jllb

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