Mordus ou les amours contrariées
Jeanne Landre 1921
Dans ce roman de lecture facile, Jeanne Landre continue d’explorer la psychologie féminine. L’héroïne, Nicole Duroze, est une jeune et riche bourgeoise fraîchement divorcée et bien décidée à profiter de la vie. Mais la guerre arrive. La voilà un moment infirmière, activité qu’elle délaisse rapidement considérant qu’il n’est pas de son rang d’aller nettoyer les salles d’hôpital où s’entassent les blessés et qu’il faut laisser ce travail aux domestiques.
Elle décide de consacrer son énergie aux filleuls de guerre, ce qui est moins salissant et bien plus amusant. D’autant qu’elle a envoyé à chacun d’eux sa photo et qu’ils sont tous tombés amoureux d’elle. Elle joue un peu de leurs sentiments et finit par s’enticher d’un soldat cantonné au Maroc pendant le conflit. Ayant de la famille en Algérie, elle lui propose de se retrouver chez ses cousins, les Pitardot. Pour se faire, le beau Charlie doit trouver un moyen d’obtenir une permission afin de quitter le Maroc. Il simule une morsure de chacal et se fait expédier à l’Institut Pasteur d’Alger pour être traité contre la rage.
C’est donc chez les Pitardot que le couple fait connaissance. Nicole est d’emblée séduite par ce beau mâle, sentant bon le sable chaud. Mais conservant un reste de bienséance, elle n’ose coucher avec lui sur place. Son cousin, Antoine Pitardot est marié à Céleste, gentille femme qu’il ne cesse de traiter comme une « crétine ». Ils ont une fille adolescente, Désirée, qui se meurt d’amour pour le beau légionnaire dès qu’il met les pieds chez eux.
Dès lors, Jeanne Landre a beau jeu de développer des chassés-croisés. Les amants vont-ils parvenir à leurs fins ? Comment va se comporter Désirée ? Antoine qui dénigre son épouse en pince pour sa belle cousine Nicole : va-t-il lui déclarer sa flamme ? Les voilà tous mordus. L’histoire se termine par un rebondissement inattendu : c’est du Labiche au féminin.
Il y a dans cet ouvrage quelques réflexions intéressantes. J’en cite une : « Il est moins rare que nous nous repentions des méfaits de nos vices que des privations imposées par nos vertus, et nous ne nous réjouissons d’être parfaits que si nos satisfactions n’en pâtissent pas. » En clair, il est bon souvent de céder à la tentation, même si c’est pécher. La vie est courte, profitons-en.
Autre chose : le racisme colonialiste était courant en ces temps pas si lointains. Ainsi Jeanne Landre met-elle dans la bouche d’un chauffeur de bus français en Algérie la remarque suivante : « Après l’âne y a le crapaud, après le crapaud y a le bicot… ». Remarque qu’elle tempère ensuite : « Ce chauffeur qui apostrophait les bicots nous donne la note du goût colonial prêché par les fonctionnaires. Les Arabes ne sont plus ici qu’à titre de figurants, de comparses, comme les fauves miteux au Jardin d’acclimatation. [] Nous eussions dû nous rencontrer au Maroc où la civilisation n’a pas encore tout corrompu »… Elle avait donc conscience des méfaits de la colonisation.