Pierre Pelot

Pierre Pelot

J’ai comme une petite envie de vous dire deux mots sur Pierre Pelot que j’ai connu et fréquenté au début des années quatre-vingt. Comme beaucoup de choses ont été dites sur l’écrivain, c’est plutôt de l’homme dont je vais parler. Nous nous sommes rencontrés dans un festival de Science-Fiction, à Metz. Lui y était invité comme auteur et moi comme fan de SF et lecteur chez Denoël, au service d’Élisabeth Gille. En dehors de ces conventions qui nous avaient placés dans le même endroit à un moment donné, il s’est passé quelque chose qui n’avait rien à voir avec la SF. Un courant d’amitié, une reconnaissance d’individu à individu. On a sympathisé. Ensuite, je suis allé plusieurs fois chez lui, dans son ranch dans les Vosges et il est également venu à Paris dans l’ancien café que nous avions acheté, ma première compagne et moi, au cœur de Ménilmontant.

On buvait de la bière chez Pierre, on discutait et on riait beaucoup (nous nous sommes retrouvés chez lui plusieurs fois avec Jacques Goimard) puis il partait s’enfermer dans son bureau pendant des heures pour écrire et n’en ressortait que tard dans la nuit pour visionner sur son magnétoscope toute sorte de films (« Mad Max étant l’un de ses préférés). On l’attendait avec son fils Dylan en faisant tourner nous aussi le magnétoscope. Et Dylan, encore gamin, commençait à parler de fabriquer des masques d’effets spéciaux, bien sanguinolents, pour films d’horreur.

Quand Pierre descendait de ses mondes pour venir dans le nôtre, il était fatigué mais toujours très ouvert et nous adorions rire et plaisanter. Je pense que ça le sortait de son univers. Il avait déjà cette gueule de bûcheron des Ardennes avec ses sourcils broussailleux qui lui donnaient (et lui donnent toujours) un air sévère. Cette heureuse configuration physique d’homme bourru à la voix grave et à la parole réservée cachait en fait une timidité certaine. Celle des gens simples. Pas prétentieux pour deux ronds. Sa logorrhée était inversement proportionnelle à son écriture. Mais cet homme taiseux adorait rire avec nous et quand la banane illuminait son visage c’était comme si son masque d’austérité tombait d’un seul coup pour nous montrer sa véritable nature d’homme sensible.

Car plus sensible que Pierre Pelot, c’est difficile à trouver. Je l’étais également, mais peut-être pas suffisamment pour comprendre alors que notre relation d’amitié était plus que des moments de rire entre copains, mais la reconnaissance implicite de deux natures à fleur de peau.

Et puis la vie étire les choses. Mon divorce, ma carrière dans le monde de l’informatique, puis dans la presse (et, enfin, dans l’écriture) nous ont éloignés.

Nous nous sommes retrouvés sur Facebook il y a quelque temps. Je sais bien qu’il ne m’a pas oublié mais, comme tout grand écrivain, il est entouré de milliers de personnes. Et je n’ai aucune raison particulière de me distinguer du flot des belles personnalités qui gravitent autour de lui. Et je sais aussi qu’il est un homme de solitude qui aime trop l’humanité pour s’y plonger souvent au risque de se faire mal. Plutôt que de se jeter physiquement au milieu de la foule, il communique par ses mots, ses livres, caché derrière ses pseudonymes, son Stetson, son air sévère.

L’humanité étant présente en lui de façon si prégnante, il limite ses contacts par peur d’une overdose. C’est certainement plus compliqué que ça, mais voilà l’un des traits de caractère que j’ai retenu de cette période des années quatre-vingt durant laquelle nous nous sommes fréquentés. Cette rencontre, pour brève qu’elle a été, m’aura marqué à vie. Tout comme ces personnalités du monde littéraire que j’ai tant aimées, sans toujours leur dire. Je pense à Élisabeth Gille, à Dominique Douay, à Claude Klotz et à d’autres.)

Aujourd’hui, j’ai vieilli et je n’ai plus de timidité à ouvrir mon cœur pour avouer que des gens comme Pierre qui ont jalonné ma route ont marqué à tout jamais mon esprit et aidé à former l’homme que je suis devenu.

Pour ceux qui ne le connaissent pas, Pierre Pelot est l’auteur de plus de deux cents romans…

jllb